NEW
MANAGEMENT
Ce
court billet fait suite à la lecture de deux articles « La petite musique va s'éteindre. » de François Dupuy et
« Résister au prêt-à-penser managérial : la petite musique va-t-elles'éteindre ?» de
Philippe Silberzahn.
Le
premier est un message touchant sur le déclin de la sociologie dans
la transformation de la pensée managériale, faute de chercheurs
intéressés par le monde de l'entreprise et la résistance des
managers à accepter la complexité du monde actuel.
Le
second est la réponse plus optimiste de Philippe Silberzahn :
la prise de conscience de la complexité a bien commencé, il faut
comprendre au préalable pourquoi il est si difficile aux managers
d'abandonner leurs postures actuelles et de développer une théorie
de l'action pour les aider à faire face à cette complexité.
Je
pense aussi que les managers prennent de plus en plus conscience de
la complexité de notre monde. Les
analyses et
les ouvrages sociologiques,
les formations et
les
actions de sensibilisation contribuent à cette prise de conscience.
Et pour avoir plus d'impacts, il est nécessaire de sortir de la
théorie et des principes généraux, de mieux comprendre le monde
des entreprises et de proposer des actions concrètes afin
d'apprendre aux managers à adapter
leurs comportements face à cette complexité. La
conceptualisation permet de concevoir une idée générale facilement
diffusable et elle doit s'accompagner de coaching sur le terrain pour
transformer l'essai.
Un
autre facteur essentiel
est
la culture. Dans notre
société et de nombreuses grandes entreprises,
la culture de
la hiérarchie
est très forte. La
plupart des grandes organisations françaises
sont
structurées dans des mécanismes bien hiérarchisées avec des rôles
bien définis et bien délimités. Il n'y a qu'à se
référer
aux
classificationsdes conventions collectives nationales qui ont finalement peu
évoluées.
Extrait
: "Niveau E = Réalise des travaux d'exécution, de contrôle,
d'organisation, d'études...
Exerce
un commandement sur les salariés placés sous son autorité
Résout
des problèmes à partir de méthodes et techniques préétablies
Peut
transmettre ses connaissances".
Il
est distingué ceux qui exercent un commandement et ceux qui
exécutent, ceux qui peuvent résoudre des problèmes et ceux qui
peuvent transmettre leurs connaissances avec l'idée qu'escalader la
hiérarchie est une forme de réussite, de reconnaissance et pour
certains une façon d'accéder au pouvoir avec des travers qui sont
apparus de "command and control" abusifs. Ces idées et ces
façons de faire sont bien ancrées dans notre
société.
Dans
notre monde de plus en plus complexe et
qui évolue de façon accélérée,
ce mode de management ne fonctionne plus. Il y a une prise de
conscience qui se traduit notamment par des milliers d'articles et
d'ouvrages sur d'autres
modes de management (agile,
lean, management 3.0, intelligence
collective, etc.)
et
sur le mot à la mode "leadership" qui laisse place à plus
de
collaboration, de
délégation, de responsabilisation, à laisser décider les sachants
/ doers, etc. « L'empowerment »
est puissant pour responsabiliser chaque
collaborateur, renforcer son engagement et son sentiment
d'appartenance à l'entreprise.
Peu
de managers se remettent vraiment en question et acceptent de
changer.
Alors
pourquoi les managers ont-ils du mal à abandonner
leurs postures actuelles ? Parce que certains ont été éduqués
avec cette idée de la reconnaissance
et de la réussite
par l'ascension pyramidale. Qu'apprennent les enfants à l'école
avec le système de classement
scolaire ?
Cette idée de
classement et de hiérarchisation se cristallise tout au long de
leurs vies de la petite école au collège, au lycée, dans les
grandes écoles jusqu'au monde du travail où
on
apprenait jusqu'alors aux managers que
leurs rôles étaient de
commander et contrôler. Certains ne connaissent que ce mode de
fonctionnement. Pour ceux-là, déléguer
"leur pouvoir" de décision et
leurs responsabilités
signifie
remettre en question leur rôle dans l'organisation et perdre ce
qu'ils
ont assimilé comme de la reconnaissance donc une partie de ce qu'ils
ont acquis et de ce qu'ils sont.
Ce
mode de management « command and control » devient même
nocif pour l'entreprise car les nouvelles générations n'adhèrent
plus à ce fonctionnement
et ces mêmes entreprises n'arrivent donc plus à attirer ces
« nouveaux talents ».
Il prive également les entreprises d'acquérir cette agilité qui
est devenue une nécessité dans ce monde de plus en plus complexe et
qui évolue de plus en plus vite.
Alors
que faire ? Faire comprendre aux managers que
ce changement ne remet pas en question leur utilité dans
l'organisation et qu'ils
ont toujours un rôle important
à jouer :
donner du sens à la stratégie et aux
orientations
de l'entreprise, donner du sens aux actions, renforcer
l'engagement des collaborateurs et leur sentiment d'appartenance,
contribuer
à développer les compétences des collaborateurs,
faciliter la collaboration dans
un objectif commun,
faciliter le travail de leurs équipes, être un servant leader et
un coach pour
leurs équipes,
contribuer
à rendre plus efficace et plus agile l'organisation de l'entreprise
dans une démarche d'amélioration continue, amener leurs équipes là
où elles n'auraient jamais pu penser aller, pour l'intérêt des équipes et de l'entreprise.
Pour
que cette transformation fonctionne, l'entreprise doit prendre
conscience de sa nécessité. Elle
nécessite un changement profond qui doit être sponsorisé au plus
haut niveau de
l'entreprise
par
l'exemplarité et
doit
être accompagné
de formations et de coaching des managers sur
le terrain.
C'est
un processus long et le fait que nous n'en voyons pas encore
nettement les fruits ne signifie pas que rien ne change. Il faut
continuer à garder espoir et continuer à faire
évoluer la pensée managériale.
–
Agnès
Vugier
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