dimanche 10 décembre 2017

NEW MANAGEMENT




NEW MANAGEMENT

Ce court billet fait suite à la lecture de deux articles « La petite musique va s'éteindre. » de François Dupuy et « Résister au prêt-à-penser managérial : la petite musique va-t-elles'éteindre ?» de Philippe Silberzahn.
Le premier est un message touchant sur le déclin de la sociologie dans la transformation de la pensée managériale, faute de chercheurs intéressés par le monde de l'entreprise et la résistance des managers à accepter la complexité du monde actuel.
Le second est la réponse plus optimiste de Philippe Silberzahn : la prise de conscience de la complexité a bien commencé, il faut comprendre au préalable pourquoi il est si difficile aux managers d'abandonner leurs postures actuelles et de développer une théorie de l'action pour les aider à faire face à cette complexité.

Je pense aussi que les managers prennent de plus en plus conscience de la complexité de notre monde. Les analyses et les ouvrages sociologiques, les formations et les actions de sensibilisation contribuent à cette prise de conscience. Et pour avoir plus d'impacts, il est nécessaire de sortir de la théorie et des principes généraux, de mieux comprendre le monde des entreprises et de proposer des actions concrètes afin d'apprendre aux managers à adapter leurs comportements face à cette complexité. La conceptualisation permet de concevoir une idée générale facilement diffusable et elle doit s'accompagner de coaching sur le terrain pour transformer l'essai.

Un autre facteur essentiel est la culture. Dans notre société et de nombreuses grandes entreprises, la culture de la hiérarchie est très forte. La plupart des grandes organisations françaises sont structurées dans des mécanismes bien hiérarchisées avec des rôles bien définis et bien délimités. Il n'y a qu'à se référer aux classificationsdes conventions collectives nationales qui ont finalement peu évoluées.
Extrait : "Niveau E = Réalise des travaux d'exécution, de contrôle, d'organisation, d'études...
Exerce un commandement sur les salariés placés sous son autorité
Résout des problèmes à partir de méthodes et techniques préétablies
Peut transmettre ses connaissances".
Il est distingué ceux qui exercent un commandement et ceux qui exécutent, ceux qui peuvent résoudre des problèmes et ceux qui peuvent transmettre leurs connaissances avec l'idée qu'escalader la hiérarchie est une forme de réussite, de reconnaissance et pour certains une façon d'accéder au pouvoir avec des travers qui sont apparus de "command and control" abusifs. Ces idées et ces façons de faire sont bien ancrées dans notre société.

Dans notre monde de plus en plus complexe et qui évolue de façon accélérée, ce mode de management ne fonctionne plus. Il y a une prise de conscience qui se traduit notamment par des milliers d'articles et d'ouvrages sur d'autres modes de management (agile, lean, management 3.0, intelligence collective, etc.) et sur le mot à la mode "leadership" qui laisse place à plus de collaboration, de délégation, de responsabilisation, à laisser décider les sachants / doers, etc. « L'empowerment » est puissant pour responsabiliser chaque collaborateur, renforcer son engagement et son sentiment d'appartenance à l'entreprise.

Peu de managers se remettent vraiment en question et acceptent de changer.
Alors pourquoi les managers ont-ils du mal à abandonner leurs postures actuelles ? Parce que certains ont été éduqués avec cette idée de la reconnaissance et de la réussite par l'ascension pyramidale. Qu'apprennent les enfants à l'école avec le système de classement scolaire ? Cette idée de classement et de hiérarchisation se cristallise tout au long de leurs vies de la petite école au collège, au lycée, dans les grandes écoles jusqu'au monde du travail où on apprenait jusqu'alors aux managers que leurs rôles étaient de commander et contrôler. Certains ne connaissent que ce mode de fonctionnement. Pour ceux-là, déléguer "leur pouvoir" de décision et leurs responsabilités signifie remettre en question leur rôle dans l'organisation et perdre ce qu'ils ont assimilé comme de la reconnaissance donc une partie de ce qu'ils ont acquis et de ce qu'ils sont.
Ce mode de management « command and control » devient même nocif pour l'entreprise car les nouvelles générations n'adhèrent plus à ce fonctionnement et ces mêmes entreprises n'arrivent donc plus à attirer ces « nouveaux talents ». Il prive également les entreprises d'acquérir cette agilité qui est devenue une nécessité dans ce monde de plus en plus complexe et qui évolue de plus en plus vite.

Alors que faire ? Faire comprendre aux managers que ce changement ne remet pas en question leur utilité dans l'organisation et qu'ils ont toujours un rôle important à jouer : donner du sens à la stratégie et aux orientations de l'entreprise, donner du sens aux actions, renforcer l'engagement des collaborateurs et leur sentiment d'appartenance, contribuer à développer les compétences des collaborateurs, faciliter la collaboration dans un objectif commun, faciliter le travail de leurs équipes, être un servant leader et un coach pour leurs équipes, contribuer à rendre plus efficace et plus agile l'organisation de l'entreprise dans une démarche d'amélioration continue, amener leurs équipes là où elles n'auraient jamais pu penser aller, pour l'intérêt des équipes et de l'entreprise.
Pour que cette transformation fonctionne, l'entreprise doit prendre conscience de sa nécessité. Elle nécessite un changement profond qui doit être sponsorisé au plus haut niveau de l'entreprise par l'exemplarité et doit être accompagné de formations et de coaching des managers sur le terrain.

C'est un processus long et le fait que nous n'en voyons pas encore nettement les fruits ne signifie pas que rien ne change. Il faut continuer à garder espoir et continuer à faire évoluer la pensée managériale.

Agnès Vugier