Capitalisme
collaboratif
Introduction
L'écriture
de ce billet, comme tous les autres, est motivé par mon désir de
comprendre le monde dans lequel nous vivons, de pouvoir l'appréhender
sous les différents angles : anthropologique,
politico-économique, environnemental et technologique. Comprendre
notre société, c'est accepter sa complexité, faire preuve
d'humilité quant à notre ignorance face aux interactions entre la
multitude d'éléments qui la composent et nous empêchent d'en
prévoir finement les rétroactions. C'est aussi s'avouer notre
incapacité à prédire de façon certaine la manière vers laquelle
elle évoluera. Et c'est justement pour cette raison que nous devons
être prudents et essayer de mesurer les impacts de chacune de nos
actions sur notre écosystème. Cette réflexion systémique est
nécessaire car tous ces domaines sont étroitement liés.
J'ai
choisi d'écrire une suite à mon billet sur l'Economie
collaborative
car ce sujet me passionne ; c'est une des multiples facettes de
notre société et de ses préoccupations, un concentré
d'innovations technologiques et une occasion de se projeter dans le
futur en essayant de trouver des solutions aux maux de notre société
actuelle.
Par
ailleurs, j'ai été inspirée par ma dernière lecture du livre « La
nouvelle société du coût marginal zéro » de Jeremy Rifkin
mais aussi motivée d'en approfondir l'analyse critique. Dans son
livre, Rifkin expose sa vision sur l'irruption de nouvelles
technologies qui nous propulsent vers une société de coût marginal
quasi nul, le déclin du capitalisme pour l'émergence d'un nouveau
paradigme d'économie de partage synonyme pour lui d'économie
d'abondance.
Effectivement,
l'expansion de plates-formes collaboratives (Airbnb, Uberpop,
Blablacar, Alibaba, etc.), le nombre de particuliers abonnés à ces
services et d'autres signes comme le développement de l'esprit
d'entrepreneuriat ou la volonté de tendre vers des organisations
plus horizontales confirment l'émergence de cette économie
collaborative.
Cependant,
est-ce que cela signifie pour autant que nous allons tendre vers le
déclin du capitalisme? Est-ce que l'économie collaborative est le
paradigme vers lequel nous nous dirigeons? Est-elle plus légitime
que le capitalisme? Faut-il les opposer? Quelles sont les autres
alternatives? Tout d'abord, je vous propose de synthétiser la vision
de Rifkin, j'expliquerai ensuite en quoi ce changement de paradigme
est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît ainsi que les impacts
que je vois. Enfin, je partagerai ma vision de la société du futur.
1.
Vers une nouvelle société du coût marginal zéro et des communaux
collaboratifs selon Rifkin
Pour
Rifkin, les nouvelles technologies vont permettre d'améliorer la
productivité et ainsi réduire les prix des biens et des services
jusqu'à un coût marginal « quasi nul », diminuant
considérablement les marges de profits et donc la « sève qui
fait vivre le capitalisme ».
Les
exemples qu'il fournit pour appuyer ce scénario sont nombreux :
livre numérique, musique en ligne, téléphonie mobile, énergie
renouvelable, fabrication par impression 3D, MOOC, les millions de
prosommateurs (producteurs-consommateurs) qui peuvent partager leurs
biens et leurs services entre eux autour de plates-formes
collaboratives, etc. Selon ses propos, de nombreux secteurs tendront
vers ce nouveau modèle et le marché capitaliste devra se replier
sans cesse sur des niches toujours plus étroites. Il estime qu'en
2050, les communaux collaboratifs auront pris l'ascendant laissant
place à un capitalisme de plus en plus mince mais efficace surtout
en proposant des agrégats de services et des solutions réseaux.
Cette nouvelle ère qu'il envisage serait caractérisée par
l'abondance de biens et de services pratiquement gratuits où
l'humanité serait affranchie de la misère.
Il
conçoit une société où la production serait locale et
décentralisée : la démocratisation de l'impression 3D permettrait
à n'importe qui de devenir prosommateur, de fabriquer ses propres
produits à un coût marginal quasi nul pour les consommer ou les
distribuer à une base mondiale de consommateurs via une
infrastructure distribuée Internet des objets. L'impression 3D
insérée dans une infrastructure Internet des objets serait donc le
nouveau relais d'efficacité et de productivité de la société du
futur.
Pour
lui, nous nous dirigeons d'une « production de masse vers une
production par les masses ». L'expansion de petites sources
d'énergies vertes locales, éoliennes ou solaires, permettrait la
production décentralisée et l'accessibilité de l'énergie quasi
gratuite par tous via un Internet des énergies.
Dans
cette société qu'il décrit, les « fablabs » répartis
dans les localités seraient les « laboratoires de recherche et
développement du peuple » et les MOOC le moyen de préparer
les nouvelles générations à ce nouveau paradigme.
2.
Système complexe et changement de paradigme
Difficile
d'appréhender le futur et la manière dont va tendre notre société.
Oui, peut-être que Rifkin a raison et que nous nous orienterons vers
des communaux collaboratifs et le déclin du capitalisme. Tout est
possible et je ne sais pas prédire les cygnes noirs.
Cependant,
j'estime que le changement de paradigme est beaucoup moins évident
et beaucoup plus complexe qu'il ne l'expose dans son livre pour les
raisons que je vais développer dans
les chapitres suivants.
2.1.
Mondialisation et pouvoirs dominants en place
Tout
d'abord, je pense que la mondialisation et les pouvoirs dominants en
place rendent complexe ce changement de paradigme.
Contrairement
à la première révolution industrielle qui a vu l’émergence du
capitalisme, le contexte économique et politique actuel est
international. La crise des « subprimes » et ses impacts
collatéraux mondiaux illustrent concrètement le système complexe
dans lequel nous vivons.
De
la même manière que la réduction de l’empreinte écologique doit
être gérée de façon mondiale, la construction d’un nouveau
système économique durable ne peut se faire sans coopération et
gouvernance économique internationale, consentement des principaux
membres représentant les échanges commerciaux dans le monde (US,
Europe, BRICS, etc.) mais également des pays en voie de
développement. Cela passe également par une compréhension des
systèmes politiques de chaque pays – et le rapport de force des
partis dominants - qui influera forcément sur les orientations en
matière de modèle économique - comme par exemple la volonté des
partis dirigeants de conserver leurs pouvoirs face à
l'occidentalisation économique et la montée de l'individualisme
dans les grands pays comme la Chine et la Russie.
Par
ailleurs, il est difficile d'imaginer de quelle manière vont
interagir et cohabiter les différents communaux collaboratifs dans
une société sans Etat et sans autorité centrale. Par quelles lois
communes seront-ils régis? Dans un système complexe, plus le nombre
d'entités augmente, plus la gestion des interactions entre ces
différentes entités est difficile. Les difficultés que nous
rencontrons pour trouver un consensus au sein de la communauté
européenne et pour établir une gouvernance économique
internationale me font penser que ce changement de paradigme prendra
du temps, beaucoup de temps s’il s’opère.
Enfin,
cette économie d'abondance ne doit pas devenir une économie de
surabondance et de surconsommation où tout prosommateur produirait à
tout va sans mesure et régulation avec les effets néfastes que cela
pourrait induire sur l'écologie. Et bien sûr, d'autres questions
comme la surpopulation se pose également.
2.2.
Domination et rapport de force des géants
Ensuite,
il ne faut pas négliger la mainmise monopolistique et le rapport de
force des géants des différents secteurs économiques car ils ne se
laisseront pas faire.
Certains
grandes entreprises et actionnaires puissants dominent déjà leurs
marchés (ex. : GAFA). Quels sont les nouveaux acteurs qui
parviendront à briser cette mainmise? Mêmes si les startups sont
disruptives, elles doivent atteindre une masse critique pour assurer
leur bon fonctionnement et ont du mal à faire le poids face aux
géants qui ont les moyens de les financer voire de les racheter, et
d'investir dans les nouvelles technologies. Il me semble très peu
probable que ces géants se laisseront voler la vedette.
Comble
du comble, les plates-formes collaboratives actuelles (Airbnb,
Uberpop, etc.) sont majoritairement centralisées et monopolistes et
imposent également leur mode de fonctionnement.
2.3.
Les réseaux distribués : une alternative aux plates-formes
monopolistes?
Même
dans le fonctionnement par réseaux distribués, nous retrouvons les
traits du capitalisme.
Certains
parlent déjà d'une nouvelle génération de plate-forme qui
reposerait sur une logique décentralisée comme alternative aux
plates-formes monopolistes. Cette nouvelle génération de réseau
distribué reposerait sur la technologie algorithmique du
blockchain . Cette technologie se base sur un livre comptable de
transactions qui est répliqué sur toutes les machines des
utilisateurs qui garantit que cette transaction a bien eu lieu. Le
système est donc « pair à pair » car chaque ordinateur
est à la fois client et serveur et permet de s'affranchir d'une
autorité centrale. Les transactions sont enregistrées après avoir
été validées par chaque nœud du réseau. La résolution de la
preuve qui se base sur un système cryptographique nécessite une
puissance de calcul informatique élevée fournies par les
« mineurs », entités dont la fonction est d'alimenter le
réseau en puissance de calcul.
Certaines
startups intègrent déjà cette technologie dans leurs services et
incitent les premiers utilisateurs à rejoindre la plate-forme en les
récompensant avec des « tokens » de manière à créer
une masse critique suffisante pour assurer le fonctionnement de cette
dernière.
Comme
d'autres grandes entreprises, IBM développe l'idée d'utiliser le
blockchain pour répondre aux enjeux de l'Internet des objets.
Je
pense que ces échanges entre particuliers via les plates-formes
collaboratives restent des transactions marchandes et que cette
gestion par « token » n’est qu’une nouvelle forme de
monnaie comme objet permettant les échanges et la valorisation de
biens.
Je
vois également des risques dans ce principe de tiers de confiance
décentralisé. D'une part, la contractualisation des échanges, la
gestion des litiges et des contentieux, la réversibilité des
transactions ne me semblent pas assurés en l’absence d’autorité
régulatrice et de supervision centralisées. D'autre part, le risque
de piratage existe comme pour tout système informatique.
Enfin,
dans cette infrastructure qui se veut décentralisée, les mineurs
ont finalement une fonction centrale. Fournir de la puissance de
calcul a un coût qui nécessite des investissements donc un
capital(isme). Cette organisation ne peut pas se baser sur du
bénévolat et nécessite une rétribution pour continuer à
maintenir et faire évoluer cette puissance de calcul.
2.4.
Nouvelles technologies nécessitant des investissements et du capital
Par
ailleurs, les
recherches et développements autour des nouvelles technologies
appelleront toujours à des gros investissements privés ou publics
et donc du capital(isme).
Rifkin
explique que l'atteinte d'une société à coût marginal zéro est
permise par les grandes compagnies à intégration verticale qui ont
su réduire leurs coûts de transactions et augmenter leur
productivité notamment en investissant sur des nouvelles
technologies et en introduisant de nouvelles sources d'efficacité de
grande ampleur. Ils ont ainsi réalisé des économies d'échelle qui
ont réduit les coûts marginaux. Ces mêmes grandes entreprises
capitalistes dont il annonce la réduction.
Si
je raisonne par l'absurde et que je prends l'hypothèse que nous
allons bien tendre vers la société qu'il décrit, de quelle manière
allons-nous maintenir ce coût marginal à zéro dans une société
où les grandes entreprises capitalistes seront minoritaires et sans
autorité régulatrice? De quelle manière allons-nous continuer à
investir dans les nouvelles technologies et nouvelles sources
d'efficacité sans capital financier?
Les
infrastructures lourdes, l'infrastructure distribuée Internet des
objets sur laquelle doit se baser cette nouvelle économie de partage
induiront des coûts d'achat, de renouvellement, d'exploitation et de
maintenance qu'il faudra bien porter.
Enfin,
je pense que les prosommateurs ne peuvent répondre qu'à une
production locale et à petite échelle. Par exemple, les
prosommateurs ne pourront produire et stocker de l'énergie que pour
le propre consommation. Passer à une grande échelle impliquera de
plus importantes infrastructures de production, de stockage
d'acheminement ou de distribution de l'énergie qui nécessiteront
des investissements importants.
2.5.
Rarification des matières premières et coût d'achat non nul
Pour
ma part, la rareté de certaines matières premières et la
répartition géographique inégale des ressources naturelles ne
permettront pas d'obtenir un coût marginal « quasi nul ».
Afin
de déterminer le prix de vente, l'entreprise doit prendre en compte
le coût de revient complet d'un produit à savoir le coût d'achat,
le coût de production et le coût hors production. A moins de vendre
à perte, un coût marginal quasi nul signifie que ces trois coûts
soient quasi nuls. Or, le coût d'achat de certaines matières
premières est loin d'être nul du fait de leur rareté. Le prix des
matières fluctuent en fonction de leur rareté et les réserves de
ressources naturelles s'amenuisent plus vite qu'elles ne se
renouvellent. Y compris les TIC impliquent des matériaux rares (cf.
article les
matériaux impliqués dans les TIC).
Il est donc difficile d'envisager pour ces produits un coût marginal
quasi nul. De même, les énergies vertes ont un coût non nul du
fait de la rareté croissante des composants nécessaires aux
capteurs solaires par exemple.
Par
ailleurs, Rifkin prend l'hypothèse que les matériaux de base seront
disponibles en abondance localement. Bien sûr, cette hypothèse
n'est pas fondée dans la mesure où les matériaux de base ne sont
pas disponibles en abondance et parce que la répartition
géographique des matières premières est inégale dans le monde. Si
les échanges de matériaux de base ne sont plus réalisés par
l'achat / vente ou l'import / export, par quels moyens se
feraient-ils? J'ai du mal à envisager une fourniture gratuite ou le
retour au troc, d'autant plus que l'extraction, le transport et le
stockage des matériaux peuvent être très coûteux.
2.6.
Chômage technologique
Avec
les nouvelles façons de travailler, les nouvelles technologies et
l'amélioration de la productivité (automatisation, robotisation,
etc.), la quantité de travail humain nécessaire à la production va
également réduire – le chômage technologique selon Keynes. S'il
n'y a pas de revenu, il n'y a pas de pouvoir d'achat et de
consommation. Je me questionne donc sur la manière dont nous allons
opérer la transition d'une situation de chômage technologique qui
risque d'être massif vers une économie d'abondance.
2.7.
Ecart entre idéologie et application
Mon
opinion diverge également de celle de Rifkin sur la nécessité
d'opposer le capitalisme et l'économie collaborative : « Entre
ces deux paradigmes rivaux, la lutte va être longue et implacable ».
Nous avons une fâcheuse tendance à vouloir opposer les idéologies
(ex. : capitalisme vs communisme) et nos croyances alors que
nous pourrions très bien envisager des buts communs à ces
paradigmes, une synergie et un enrichissement mutuel.
Ainsi,
je pense que Rifkin manque d'impartialité en voulant à tout prix
diaboliser le capitalisme et idéaliser l'économie collaborative :
« Si le marché capitaliste a pour fondement l'intérêt
personnel et pour moteur le gain matériel, les communaux sociaux
sont motivés par des intérêts collaboratifs et dynamisés par un
désir profond de relation avec les autres et de partage. Tandis que
le premier promeut les droits de propriété, le principe caveat
emptor
(« c'est l'acheteur de faire attention ») et la quête de
l'autonomie, les seconds privilégient l'innovation en source
ouverte, la transparence et la recherche de la communauté. »
Sur
le papier, cette société de partage et d'abondance, où chacun
pourrait accéder quasi gratuitement à l'énergie renouvelable, aux
biens et services, s'improviser producteur, consommer et partager ce
qu'il produit, est fort attractive. Mais comme toute idéologie, elle
offre une vision idyllique d'un nouveau monde, un projet d'avenir
visant le bien-être collectif. Et c'est d'autant plus efficace dans
une période où notre société connaît de grands bouleversements
dans tous les domaines : technologique
(transformation numérique, robotisation, automatisation, multitude),
socio-économique
(inégalités, précarité, pauvreté, chômage), politique (conflits
géopolitiques) et environnemental (pollution, changement
climatique).
Dans
son sens d'origine, le communisme est une forme d'organisation
sociale sans classes, sans État et sans monnaie, où les biens
matériels
sont
partagés.
Pourtant l'histoire a montré ses dérives dans son application et
surtout la manière dont certains individus l'ont imposé et l'ont
détourné pour des ambitions individuelles. De la même manière,
chaque religion porte en elle des principes de biens mais la manière
dont certains hommes la détourne et l'impose amène à la violence
et aux crimes pourtant contraires au fondement même de ces
religions. Il est donc important que cette lutte de paradigme ne
devienne pas une nouvelle « lutte de classes », un nouvel
objet de propagande ou un autre « Grand bond en avant ».
3.
Vers un capitalisme collaboratif
3.1.
La société du futur est celle du développement durable
Je
crois beaucoup à l'écoconception, l'infofabrication additive, des
procédés de production qui s'inscrivent dans le cadre d'une
économie
circulaire.
Nous devons davantage développer l'écoconception, à savoir une
conception des produits plus respectueuse de l'environnement en
optimisant le volume de matériaux employés, en diminuant le recours
aux ressources rares ou
polluantes
et en pensant sa durée
de vie et sa recyclabilité
dès sa conception.
Je
pense aussi que l'impression
3D,
l'Internet des objets et les smart cities vont avoir une place
importante dans les prochaines décennies et je crois aux bienfaits
des nouvelles technologies si nous les utilisons de façon réfléchie
et à bon escient pour le bien de l'humanité.
De
façon concrète, l'application de l'Internet des objets à
l'environnemental peut être un grand allié dans la gestion des
écosystèmes de notre planète : capteurs pour mesurer tout
changement dans notre écosystème comme le niveau de pollution,
mesurer et suivre en temps réel notre consommation énergétique,
limiter la consommation d'eau en fonction des conditions
météorologiques et de l'humidité du sol, etc. Je me pose quand
même la question des déchets que pourront laisser tous ces capteurs
et objets connectés dans la nature à long terme. Dans
cette ère de la multitude, ces
kits connectés vont probablement se multiplier et le volume de
déchets polluants avec eux si nous ne pensons pas écoconception.
Je
suis également persuadée que la production locale d'énergies
vertes est un bon moyen de compléter la production en masse :
elle permet d'une part de réduire notre empreinte écologique et
également de permettre de simplifier l'accès à l'énergie dans les
zones les plus pauvres et retranchées du monde. Le développement
des « kits
solaires »
en Afrique en est un bon exemple.
De
mon point de vue,
le MOOC est un bon moyen de permettre l'accès à la connaissance et
la formation pour tous. Cependant,
je crois nécessaire de conserver des lieux physiques de sociabilité
et de socialisation dont les infrastructures scolaires : lieux
d'échanges et aussi d'apprentissage des normes et valeurs d'une
société ou d'une collectivité.
3.2.
Une économie mi-marché mi-communal
Je
pense que le capitalisme et l'économie de partage sont
complémentaires et qu'ils doivent tirer parti de l'autre.
Nous
voyons déjà émerger une économie hybride, mi-marché
mi-communal : le marché capitaliste que nous connaissons et
l'émergence de l'économie collaborative que je traite dans mon
dernier billet sur l'Economie
collaborative.
Je
crois que la société capitaliste a le potentiel de s'inscrire dans
un développement durable. Les
valeurs de partage, d'égalité, de respect de l'humanité et de
l'environnement dans lequel nous vivons ne sont pas l'apanage
d'une économie particulière.
D'un
point de vue environnemental , la prise de conscience mondiale de
l'urgence écologique a eu lieu. Effectivement, les
investissements mondiaux dans les énergies vertes ont atteint 250
milliards d'euros en 2014 avec en tête la Chine avec plus de 77
milliards d'euros d'investissement en 2014. f.
article Energies
renouvelables : les investissements repartent à la hausse).
Je pense que le capitalisme a pour avantage de permettre la concentration de gros capitaux sans lesquels ces énormes investissements dans les nouvelles technologies, les nouveaux procédés d'économie circulaire seraient difficiles.
Je pense que le capitalisme a pour avantage de permettre la concentration de gros capitaux sans lesquels ces énormes investissements dans les nouvelles technologies, les nouveaux procédés d'économie circulaire seraient difficiles.
Par
ailleurs, les initiatives COP21 et G20 reflètent bien la volonté
d'une concertation internationale et d'un dialogue élargi entre les
différents pays du monde voire un renforcement de la gouvernance
mondiale pour avancer sur les politiques clés en matière d'accord
climatique, sur les nouveaux objectifs de développement durable et
de croissance économique.
De
même, de nombreux grands groupes (ERDF, EDF, RATP, SNCF, Colas…)
sont engagés dans la mise en place de solutions plus écologiques
afin de réduire l'empreinte carbone. C'est par la communication et
la sensibilisation que ces préoccupations deviendront des réflexes
et des valeurs complètement intégrés dans chaque entreprise et
chaque individu. Des programmes comme « Watty
à l'école »
sont un bon moyen de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune
âge à l'économie d'énergie.
J'estime
que le capitalisme peut trouver un équilibre vers plus de social et
de collectif en permettant à chaque citoyen du monde :
-
De répondre à ses besoins vitaux : nutrition correcte, accès à
l'eau potable, aux services de santé.
-
De vivre dans de bonnes conditions : accès à un logement, à
l'électricité, aux
infrastructures de communication, etc.
-
D'accéder à l'éducation.
-
D'accéder à des conditions de travail justes et favorables.
Je
pense que la politique sociale de la France est un bon système et
intègre ces valeurs. Mais pour qu'il reste viable, nous devons
davantage contrôler les abus et réduire les dépenses publiques –
supprimer les dépenses inutiles ou historiques pour se concentrer
sur celles vraiment nécessaires. Bien sûr, c'est un travail
difficile et impopulaire mais le risque que ce système social
s'effondre est beaucoup plus grand si nous ne faisons rien.
Cela
se traduit par les politiques sociales de chaque pays mais aussi des
appels à investissements pour des grands projets comme
l'amélioration de l'accès à l'eau potable dans les pays pauvres ou
l'électrification
de l'Afrique
par exemple.
Les
gouvernements, les grandes entreprises et grands actionnaires ont
également un rôle important dans le réinvestissement des bénéfices
afin de maintenir la croissance économique et dans la préservation
des emplois.
La
succession des gouvernements qui défont et refont ce qu'ont établi
leurs prédécesseurs montre qu'il n'y a ni cohérence et ni
continuité dans les politiques menées ni de volonté commune de se
réunir pour un même but : le bien de notre société et de
l'humanité quelles que soient nos opinions et nos idéologies
politiques, en se concentrant sur le bien collectif avant l'intérêt
personnel.
De
même, les référendums devraient être plus fréquents sur les
sujets structurants pour la société et l'humanité car ils sont la
voix de la majorité et beaucoup plus représentatifs de l'opinion
publique.
Cette
cohésion nationale et cette solidarité mondiale existent. Elle est
en chacun de nous.
3.3.
Avant tout une question de transformation de la conscience humaine
Ces
changements sont étroitement liés à la transformation de la
conscience humaine. Le passage d'un système féodal vers un marché
libre a surtout été motivé par la volonté de se libérer du
servage, d'améliorer les conditions de vie et par des ambitions
individuelles. Et cela en est de même pour la première révolution
industrielle qui a vu l'émergence du capitalisme.
Pourquoi
l’économie collaborative est-elle attractive? Je ne crois pas
qu’il s’agisse - encore - d’un geste de solidarité ou
collaboratif. A l’heure actuelle, les particuliers cherchent avant
tout un complément de revenu et à diminuer leurs dépenses.
Je
crois que les grands changements de paradigme ne sont pas uniquement
liés aux révolutions technologiques de communication ou
énergétique - il s'agit de conditions nécessaires mais pas
suffisantes - et que le passage vers une vraie société à
développement durable ne
pourra pas s'opérer sans transformation de la conscience humaine,
vers une « conscience biosphérique » qui étend notre
empathie à notre monde, à toute l'humanité. C'est aller au-delà
de l'intérêt individuel pour un bonheur collectif.
Conclusion
Rifkin
propose une image intéressante de la manière dont évolue notre
société : l'accélération technologique, le gain d'efficacité
et de productivité, l'émergence d'une nouvelle forme d'économie de
partage. Par contre, je pense que sa vision est trop idéologique et
manque de neutralité : il sous-estime l'ancrage du capitalisme dans
notre société, le rapport de force des pouvoirs dominants, des
actionnaires puissants et des géants monopolistes et surestime les
capacités naturelles de notre monde. Il idéalise l'économie de
partage et ne montre pas les risques potentiels de cette nouvelle
société à coût marginal quasi nul (surabondance, surconsommation,
surpopulation, indisponibilité des matériaux de base, question de
la régulation des communaux collaboratifs, etc.). Je crois aussi
qu'aborder ce sujet comme une lutte des « collaboratistes »
face aux capitalistes, c'est faire fausse route.
Je
crois que notre société du futur doit surtout s'inscrire dans le
cadre d'un développement durable, respectueux de notre humanité et
de l'environnement dans lequel nous vivons.
Ce
monde capitaliste peut être cette société du futur s'il s'inscrit
dans cette dynamique.
Et
la seule façon d'y accéder est la transformation de la conscience
humaine, aller au-delà des ambitions individuelles pour le bien
collectif.
Je
finirais par une magnifique citation de Rifkin qui représente pour
moi l'essence même de l'humanité :
« Quand
nous éprouvons, vous et moi, de l'empathie pour un autre – qu'il
s'agisse d'un humain ou de tout autre être vivant -, elle a la
senteur de la mort finale qui l'attend et de la célébration de sa
vie tant qu'elle existe. Quand je ressens ses joies, ses peines, ses
espoirs et ses peurs, tout me rappelle constamment la précarité de
nos vies. Avoir de l'empathie pour un autre, c'est reconnaître qu'il
a une seule et unique vie, comme moi – comprendre que chacun de ses
instants, comme les miens, sont irréversibles, qu'ils ne se
répéteront pas, et que la vie est fragile, imparfaite et
éprouvante, qu'il s'agisse du parcours d'un humain dans la
civilisation ou d'un cerf dans les bois. Quand j'ai de l'empathie, je
ressens la fragilité et la fugacité de l'existence d'un autre.
Avoir de l'empathie, c'est soutenir l'autre pour qu'il s'épanouisse
et vive pleinement son bref destin. La compassion est notre façon de
célébrer mutuellement notre existence, de reconnaître ce qui nous
lie, nous qui sommes compagnons de voyage sur cette Terre. » -
Jeremy Rifkin, « La nouvelle société du coût marginal
zéro ».
-- Agnès
Vugier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire