samedi 21 novembre 2015

Capitalisme collaboratif



Capitalisme collaboratif



Introduction

L'écriture de ce billet, comme tous les autres, est motivé par mon désir de comprendre le monde dans lequel nous vivons, de pouvoir l'appréhender sous les différents angles : anthropologique, politico-économique, environnemental et technologique. Comprendre notre société, c'est accepter sa complexité, faire preuve d'humilité quant à notre ignorance face aux interactions entre la multitude d'éléments qui la composent et nous empêchent d'en prévoir finement les rétroactions. C'est aussi s'avouer notre incapacité à prédire de façon certaine la manière vers laquelle elle évoluera. Et c'est justement pour cette raison que nous devons être prudents et essayer de mesurer les impacts de chacune de nos actions sur notre écosystème. Cette réflexion systémique est nécessaire car tous ces domaines sont étroitement liés.

J'ai choisi d'écrire une suite à mon billet sur l'Economie collaborative car ce sujet me passionne ; c'est une des multiples facettes de notre société et de ses préoccupations, un concentré d'innovations technologiques et une occasion de se projeter dans le futur en essayant de trouver des solutions aux maux de notre société actuelle.
Par ailleurs, j'ai été inspirée par ma dernière lecture du livre « La nouvelle société du coût marginal zéro » de Jeremy Rifkin mais aussi motivée d'en approfondir l'analyse critique. Dans son livre, Rifkin expose sa vision sur l'irruption de nouvelles technologies qui nous propulsent vers une société de coût marginal quasi nul, le déclin du capitalisme pour l'émergence d'un nouveau paradigme d'économie de partage synonyme pour lui d'économie d'abondance.
Effectivement, l'expansion de plates-formes collaboratives (Airbnb, Uberpop, Blablacar, Alibaba, etc.), le nombre de particuliers abonnés à ces services et d'autres signes comme le développement de l'esprit d'entrepreneuriat ou la volonté de tendre vers des organisations plus horizontales confirment l'émergence de cette économie collaborative.

Cependant, est-ce que cela signifie pour autant que nous allons tendre vers le déclin du capitalisme? Est-ce que l'économie collaborative est le paradigme vers lequel nous nous dirigeons? Est-elle plus légitime que le capitalisme? Faut-il les opposer? Quelles sont les autres alternatives? Tout d'abord, je vous propose de synthétiser la vision de Rifkin, j'expliquerai ensuite en quoi ce changement de paradigme est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît ainsi que les impacts que je vois. Enfin, je partagerai ma vision de la société du futur.


1. Vers une nouvelle société du coût marginal zéro et des communaux collaboratifs selon Rifkin

Pour Rifkin, les nouvelles technologies vont permettre d'améliorer la productivité et ainsi réduire les prix des biens et des services jusqu'à un coût marginal « quasi nul », diminuant considérablement les marges de profits et donc la « sève qui fait vivre le capitalisme ».
Les exemples qu'il fournit pour appuyer ce scénario sont nombreux : livre numérique, musique en ligne, téléphonie mobile, énergie renouvelable, fabrication par impression 3D, MOOC, les millions de prosommateurs (producteurs-consommateurs) qui peuvent partager leurs biens et leurs services entre eux autour de plates-formes collaboratives, etc. Selon ses propos, de nombreux secteurs tendront vers ce nouveau modèle et le marché capitaliste devra se replier sans cesse sur des niches toujours plus étroites. Il estime qu'en 2050, les communaux collaboratifs auront pris l'ascendant laissant place à un capitalisme de plus en plus mince mais efficace surtout en proposant des agrégats de services et des solutions réseaux. Cette nouvelle ère qu'il envisage serait caractérisée par l'abondance de biens et de services pratiquement gratuits où l'humanité serait affranchie de la misère.

Il conçoit une société où la production serait locale et décentralisée : la démocratisation de l'impression 3D permettrait à n'importe qui de devenir prosommateur, de fabriquer ses propres produits à un coût marginal quasi nul pour les consommer ou les distribuer à une base mondiale de consommateurs via une infrastructure distribuée Internet des objets. L'impression 3D insérée dans une infrastructure Internet des objets serait donc le nouveau relais d'efficacité et de productivité de la société du futur.

Pour lui, nous nous dirigeons d'une « production de masse vers une production par les masses ». L'expansion de petites sources d'énergies vertes locales, éoliennes ou solaires, permettrait la production décentralisée et l'accessibilité de l'énergie quasi gratuite par tous via un Internet des énergies.

Dans cette société qu'il décrit, les « fablabs » répartis dans les localités seraient les « laboratoires de recherche et développement du peuple » et les MOOC le moyen de préparer les nouvelles générations à ce nouveau paradigme.


2. Système complexe et changement de paradigme

Difficile d'appréhender le futur et la manière dont va tendre notre société. Oui, peut-être que Rifkin a raison et que nous nous orienterons vers des communaux collaboratifs et le déclin du capitalisme. Tout est possible et je ne sais pas prédire les cygnes noirs.

Cependant, j'estime que le changement de paradigme est beaucoup moins évident et beaucoup plus complexe qu'il ne l'expose dans son livre pour les raisons que je vais développer dans les chapitres suivants.

2.1. Mondialisation et pouvoirs dominants en place
Tout d'abord, je pense que la mondialisation et les pouvoirs dominants en place rendent complexe ce changement de paradigme.

Contrairement à la première révolution industrielle qui a vu l’émergence du capitalisme, le contexte économique et politique actuel est international. La crise des « subprimes » et ses impacts collatéraux mondiaux illustrent concrètement le système complexe dans lequel nous vivons.
De la même manière que la réduction de l’empreinte écologique doit être gérée de façon mondiale, la construction d’un nouveau système économique durable ne peut se faire sans coopération et gouvernance économique internationale, consentement des principaux membres représentant les échanges commerciaux dans le monde (US, Europe, BRICS, etc.) mais également des pays en voie de développement. Cela passe également par une compréhension des systèmes politiques de chaque pays – et le rapport de force des partis dominants - qui influera forcément sur les orientations en matière de modèle économique - comme par exemple la volonté des partis dirigeants de conserver leurs pouvoirs face à l'occidentalisation économique et la montée de l'individualisme dans les grands pays comme la Chine et la Russie.

Par ailleurs, il est difficile d'imaginer de quelle manière vont interagir et cohabiter les différents communaux collaboratifs dans une société sans Etat et sans autorité centrale. Par quelles lois communes seront-ils régis? Dans un système complexe, plus le nombre d'entités augmente, plus la gestion des interactions entre ces différentes entités est difficile. Les difficultés que nous rencontrons pour trouver un consensus au sein de la communauté européenne et pour établir une gouvernance économique internationale me font penser que ce changement de paradigme prendra du temps, beaucoup de temps s’il s’opère.

Enfin, cette économie d'abondance ne doit pas devenir une économie de surabondance et de surconsommation où tout prosommateur produirait à tout va sans mesure et régulation avec les effets néfastes que cela pourrait induire sur l'écologie. Et bien sûr, d'autres questions comme la surpopulation se pose également.

2.2. Domination et rapport de force des géants
Ensuite, il ne faut pas négliger la mainmise monopolistique et le rapport de force des géants des différents secteurs économiques car ils ne se laisseront pas faire.

Certains grandes entreprises et actionnaires puissants dominent déjà leurs marchés (ex. : GAFA). Quels sont les nouveaux acteurs qui parviendront à briser cette mainmise? Mêmes si les startups sont disruptives, elles doivent atteindre une masse critique pour assurer leur bon fonctionnement et ont du mal à faire le poids face aux géants qui ont les moyens de les financer voire de les racheter, et d'investir dans les nouvelles technologies. Il me semble très peu probable que ces géants se laisseront voler la vedette.
Comble du comble, les plates-formes collaboratives actuelles (Airbnb, Uberpop, etc.) sont majoritairement centralisées et monopolistes et imposent également leur mode de fonctionnement.

2.3. Les réseaux distribués : une alternative aux plates-formes monopolistes?
Même dans le fonctionnement par réseaux distribués, nous retrouvons les traits du capitalisme.

Certains parlent déjà d'une nouvelle génération de plate-forme qui reposerait sur une logique décentralisée comme alternative aux plates-formes monopolistes. Cette nouvelle génération de réseau distribué reposerait sur la technologie algorithmique du blockchain . Cette technologie se base sur un livre comptable de transactions qui est répliqué sur toutes les machines des utilisateurs qui garantit que cette transaction a bien eu lieu. Le système est donc « pair à pair » car chaque ordinateur est à la fois client et serveur et permet de s'affranchir d'une autorité centrale. Les transactions sont enregistrées après avoir été validées par chaque nœud du réseau. La résolution de la preuve qui se base sur un système cryptographique nécessite une puissance de calcul informatique élevée fournies par les « mineurs », entités dont la fonction est d'alimenter le réseau en puissance de calcul.
Certaines startups intègrent déjà cette technologie dans leurs services et incitent les premiers utilisateurs à rejoindre la plate-forme en les récompensant avec des « tokens » de manière à créer une masse critique suffisante pour assurer le fonctionnement de cette dernière.
Comme d'autres grandes entreprises, IBM développe l'idée d'utiliser le blockchain pour répondre aux enjeux de l'Internet des objets.

Je pense que ces échanges entre particuliers via les plates-formes collaboratives restent des transactions marchandes et que cette gestion par « token » n’est qu’une nouvelle forme de monnaie comme objet permettant les échanges et la valorisation de biens.
Je vois également des risques dans ce principe de tiers de confiance décentralisé. D'une part, la contractualisation des échanges, la gestion des litiges et des contentieux, la réversibilité des transactions ne me semblent pas assurés en l’absence d’autorité régulatrice et de supervision centralisées. D'autre part, le risque de piratage existe comme pour tout système informatique.

Enfin, dans cette infrastructure qui se veut décentralisée, les mineurs ont finalement une fonction centrale. Fournir de la puissance de calcul a un coût qui nécessite des investissements donc un capital(isme). Cette organisation ne peut pas se baser sur du bénévolat et nécessite une rétribution pour continuer à maintenir et faire évoluer cette puissance de calcul.

2.4. Nouvelles technologies nécessitant des investissements et du capital
Par ailleurs, les recherches et développements autour des nouvelles technologies appelleront toujours à des gros investissements privés ou publics et donc du capital(isme).

Rifkin explique que l'atteinte d'une société à coût marginal zéro est permise par les grandes compagnies à intégration verticale qui ont su réduire leurs coûts de transactions et augmenter leur productivité notamment en investissant sur des nouvelles technologies et en introduisant de nouvelles sources d'efficacité de grande ampleur. Ils ont ainsi réalisé des économies d'échelle qui ont réduit les coûts marginaux. Ces mêmes grandes entreprises capitalistes dont il annonce la réduction.

Si je raisonne par l'absurde et que je prends l'hypothèse que nous allons bien tendre vers la société qu'il décrit, de quelle manière allons-nous maintenir ce coût marginal à zéro dans une société où les grandes entreprises capitalistes seront minoritaires et sans autorité régulatrice? De quelle manière allons-nous continuer à investir dans les nouvelles technologies et nouvelles sources d'efficacité  sans capital financier?

Les infrastructures lourdes, l'infrastructure distribuée Internet des objets sur laquelle doit se baser cette nouvelle économie de partage induiront des coûts d'achat, de renouvellement, d'exploitation et de maintenance qu'il faudra bien porter.

Enfin, je pense que les prosommateurs ne peuvent répondre qu'à une production locale et à petite échelle. Par exemple, les prosommateurs ne pourront produire et stocker de l'énergie que pour le propre consommation. Passer à une grande échelle impliquera de plus importantes infrastructures de production, de stockage d'acheminement ou de distribution de l'énergie qui nécessiteront des investissements importants.

2.5. Rarification des matières premières et coût d'achat non nul
Pour ma part, la rareté de certaines matières premières et la répartition géographique inégale des ressources naturelles ne permettront pas d'obtenir un coût marginal « quasi nul ».

Afin de déterminer le prix de vente, l'entreprise doit prendre en compte le coût de revient complet d'un produit à savoir le coût d'achat, le coût de production et le coût hors production. A moins de vendre à perte, un coût marginal quasi nul signifie que ces trois coûts soient quasi nuls. Or, le coût d'achat de certaines matières premières est loin d'être nul du fait de leur rareté. Le prix des matières fluctuent en fonction de leur rareté et les réserves de ressources naturelles s'amenuisent plus vite qu'elles ne se renouvellent. Y compris les TIC impliquent des matériaux rares (cf. article les matériaux impliqués dans les TIC). Il est donc difficile d'envisager pour ces produits un coût marginal quasi nul. De même, les énergies vertes ont un coût non nul du fait de la rareté croissante des composants nécessaires aux capteurs solaires par exemple.

Par ailleurs, Rifkin prend l'hypothèse que les matériaux de base seront disponibles en abondance localement. Bien sûr, cette hypothèse n'est pas fondée dans la mesure où les matériaux de base ne sont pas disponibles en abondance et parce que la répartition géographique des matières premières est inégale dans le monde. Si les échanges de matériaux de base ne sont plus réalisés par l'achat / vente ou l'import / export, par quels moyens se feraient-ils? J'ai du mal à envisager une fourniture gratuite ou le retour au troc, d'autant plus que l'extraction, le transport et le stockage des matériaux peuvent être très coûteux.

2.6. Chômage technologique
Avec les nouvelles façons de travailler, les nouvelles technologies et l'amélioration de la productivité (automatisation, robotisation, etc.), la quantité de travail humain nécessaire à la production va également réduire – le chômage technologique selon Keynes. S'il n'y a pas de revenu, il n'y a pas de pouvoir d'achat et de consommation. Je me questionne donc sur la manière dont nous allons opérer la transition d'une situation de chômage technologique qui risque d'être massif vers une économie d'abondance.

2.7. Ecart entre idéologie et application
Mon opinion diverge également de celle de Rifkin sur la nécessité d'opposer le capitalisme et l'économie collaborative : « Entre ces deux paradigmes rivaux, la lutte va être longue et implacable ». Nous avons une fâcheuse tendance à vouloir opposer les idéologies (ex. : capitalisme vs communisme) et nos croyances alors que nous pourrions très bien envisager des buts communs à ces paradigmes, une synergie et un enrichissement mutuel.

Ainsi, je pense que Rifkin manque d'impartialité en voulant à tout prix diaboliser le capitalisme et idéaliser l'économie collaborative : « Si le marché capitaliste a pour fondement l'intérêt personnel et pour moteur le gain matériel, les communaux sociaux sont motivés par des intérêts collaboratifs et dynamisés par un désir profond de relation avec les autres et de partage. Tandis que le premier promeut les droits de propriété, le principe caveat emptor (« c'est l'acheteur de faire attention ») et la quête de l'autonomie, les seconds privilégient l'innovation en source ouverte, la transparence et la recherche de la communauté. »

Sur le papier, cette société de partage et d'abondance, où chacun pourrait accéder quasi gratuitement à l'énergie renouvelable, aux biens et services, s'improviser producteur, consommer et partager ce qu'il produit, est fort attractive. Mais comme toute idéologie, elle offre une vision idyllique d'un nouveau monde, un projet d'avenir visant le bien-être collectif. Et c'est d'autant plus efficace dans une période où notre société connaît de grands bouleversements dans tous les domaines : technologique (transformation numérique, robotisation, automatisation, multitude), socio-économique (inégalités, précarité, pauvreté, chômage), politique (conflits géopolitiques) et environnemental (pollution, changement climatique).

Dans son sens d'origine, le communisme est une forme d'organisation sociale sans classes, sans État et sans monnaie, où les biens matériels sont partagés. Pourtant l'histoire a montré ses dérives dans son application et surtout la manière dont certains individus l'ont imposé et l'ont détourné pour des ambitions individuelles. De la même manière, chaque religion porte en elle des principes de biens mais la manière dont certains hommes la détourne et l'impose amène à la violence et aux crimes pourtant contraires au fondement même de ces religions. Il est donc important que cette lutte de paradigme ne devienne pas une nouvelle « lutte de classes », un nouvel objet de propagande ou un autre « Grand bond en avant ».


3. Vers un capitalisme collaboratif

3.1. La société du futur est celle du développement durable
Ma société du futur s'inscrit dans le cadre du développement durable.

Je crois beaucoup à l'écoconception, l'infofabrication additive, des procédés de production qui s'inscrivent dans le cadre d'une économie circulaire. Nous devons davantage développer l'écoconception, à savoir une conception des produits plus respectueuse de l'environnement en optimisant le volume de matériaux employés, en diminuant le recours aux ressources rares ou polluantes et en pensant sa durée de vie et sa recyclabilité dès sa conception.

Je pense aussi que l'impression 3D, l'Internet des objets et les smart cities vont avoir une place importante dans les prochaines décennies et je crois aux bienfaits des nouvelles technologies si nous les utilisons de façon réfléchie et à bon escient pour le bien de l'humanité.
De façon concrète, l'application de l'Internet des objets à l'environnemental peut être un grand allié dans la gestion des écosystèmes de notre planète : capteurs pour mesurer tout changement dans notre écosystème comme le niveau de pollution, mesurer et suivre en temps réel notre consommation énergétique, limiter la consommation d'eau en fonction des conditions météorologiques et de l'humidité du sol, etc. Je me pose quand même la question des déchets que pourront laisser tous ces capteurs et objets connectés dans la nature à long terme. Dans cette ère de la multitude, ces kits connectés vont probablement se multiplier et le volume de déchets polluants avec eux si nous ne pensons pas écoconception.

Je suis également persuadée que la production locale d'énergies vertes est un bon moyen de compléter la production en masse : elle permet d'une part de réduire notre empreinte écologique et également de permettre de simplifier l'accès à l'énergie dans les zones les plus pauvres et retranchées du monde. Le développement des « kits solaires » en Afrique en est un bon exemple.

De mon point de vue, le MOOC est un bon moyen de permettre l'accès à la connaissance et la formation pour tous. Cependant, je crois nécessaire de conserver des lieux physiques de sociabilité et de socialisation dont les infrastructures scolaires : lieux d'échanges et aussi d'apprentissage des normes et valeurs d'une société ou d'une collectivité.

3.2. Une économie mi-marché mi-communal
Je pense que le capitalisme et l'économie de partage sont complémentaires et qu'ils doivent tirer parti de l'autre.

Nous voyons déjà émerger une économie hybride, mi-marché mi-communal : le marché capitaliste que nous connaissons et l'émergence de l'économie collaborative que je traite dans mon dernier billet sur l'Economie collaborative.

Je crois que la société capitaliste a le potentiel de s'inscrire dans un développement durable. Les valeurs de partage, d'égalité, de respect de l'humanité et de l'environnement dans lequel nous vivons ne sont pas l'apanage d'une économie particulière.

D'un point de vue environnemental , la prise de conscience mondiale de l'urgence écologique a eu lieu. Effectivement, les investissements mondiaux dans les énergies vertes ont atteint 250 milliards d'euros en 2014 avec en tête la Chine avec plus de 77 milliards d'euros d'investissement en 2014. (cf. article Energies renouvelables : les investissements repartent à la hausse).
Je pense que le capitalisme a pour avantage de permettre la concentration de gros capitaux sans lesquels ces énormes investissements dans les nouvelles technologies, les nouveaux procédés d'économie circulaire seraient difficiles.

Par ailleurs, les initiatives COP21 et G20 reflètent bien la volonté d'une concertation internationale et d'un dialogue élargi entre les différents pays du monde voire un renforcement de la gouvernance mondiale pour avancer sur les politiques clés en matière d'accord climatique, sur les nouveaux objectifs de développement durable et de croissance économique.

De même, de nombreux grands groupes (ERDF, EDF, RATP, SNCF, Colas…) sont engagés dans la mise en place de solutions plus écologiques afin de réduire l'empreinte carbone. C'est par la communication et la sensibilisation que ces préoccupations deviendront des réflexes et des valeurs complètement intégrés dans chaque entreprise et chaque individu. Des programmes comme « Watty à l'école » sont un bon moyen de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge à l'économie d'énergie.

J'estime que le capitalisme peut trouver un équilibre vers plus de social et de collectif en permettant à chaque citoyen du monde :
- De répondre à ses besoins vitaux : nutrition correcte, accès à l'eau potable, aux services de santé.
- De vivre dans de bonnes conditions : accès à un logement, à l'électricité, aux infrastructures de communication, etc.
- D'accéder à l'éducation.
- D'accéder à des conditions de travail justes et favorables.

Je pense que la politique sociale de la France est un bon système et intègre ces valeurs. Mais pour qu'il reste viable, nous devons davantage contrôler les abus et réduire les dépenses publiques – supprimer les dépenses inutiles ou historiques pour se concentrer sur celles vraiment nécessaires. Bien sûr, c'est un travail difficile et impopulaire mais le risque que ce système social s'effondre est beaucoup plus grand si nous ne faisons rien.

Cela se traduit par les politiques sociales de chaque pays mais aussi des appels à investissements pour des grands projets comme l'amélioration de l'accès à l'eau potable dans les pays pauvres ou l'électrification de l'Afrique par exemple.

Les gouvernements, les grandes entreprises et grands actionnaires ont également un rôle important dans le réinvestissement des bénéfices afin de maintenir la croissance économique et dans la préservation des emplois.

La succession des gouvernements qui défont et refont ce qu'ont établi leurs prédécesseurs montre qu'il n'y a ni cohérence et ni continuité dans les politiques menées ni de volonté commune de se réunir pour un même but : le bien de notre société et de l'humanité quelles que soient nos opinions et nos idéologies politiques, en se concentrant sur le bien collectif avant l'intérêt personnel.
De même, les référendums devraient être plus fréquents sur les sujets structurants pour la société et l'humanité car ils sont la voix de la majorité et beaucoup plus représentatifs de l'opinion publique.
Cette cohésion nationale et cette solidarité mondiale existent. Elle est en chacun de nous.

3.3. Avant tout une question de transformation de la conscience humaine
Ces changements sont étroitement liés à la transformation de la conscience humaine. Le passage d'un système féodal vers un marché libre a surtout été motivé par la volonté de se libérer du servage, d'améliorer les conditions de vie et par des ambitions individuelles. Et cela en est de même pour la première révolution industrielle qui a vu l'émergence du capitalisme.

Pourquoi l’économie collaborative est-elle attractive? Je ne crois pas qu’il s’agisse - encore - d’un geste de solidarité ou collaboratif. A l’heure actuelle, les particuliers cherchent avant tout un complément de revenu et à diminuer leurs dépenses.

Je crois que les grands changements de paradigme ne sont pas uniquement liés aux révolutions technologiques de communication ou énergétique - il s'agit de conditions nécessaires mais pas suffisantes - et que le passage vers une vraie société à développement durable ne pourra pas s'opérer sans transformation de la conscience humaine, vers une « conscience biosphérique » qui étend notre empathie à notre monde, à toute l'humanité. C'est aller au-delà de l'intérêt individuel pour un bonheur collectif.


Conclusion

Rifkin propose une image intéressante de la manière dont évolue notre société : l'accélération technologique, le gain d'efficacité et de productivité, l'émergence d'une nouvelle forme d'économie de partage. Par contre, je pense que sa vision est trop idéologique et manque de neutralité : il sous-estime l'ancrage du capitalisme dans notre société, le rapport de force des pouvoirs dominants, des actionnaires puissants et des géants monopolistes et surestime les capacités naturelles de notre monde. Il idéalise l'économie de partage et ne montre pas les risques potentiels de cette nouvelle société à coût marginal quasi nul (surabondance, surconsommation, surpopulation, indisponibilité des matériaux de base, question de la régulation des communaux collaboratifs, etc.). Je crois aussi qu'aborder ce sujet comme une lutte des « collaboratistes » face aux capitalistes, c'est faire fausse route.

Je crois que notre société du futur doit surtout s'inscrire dans le cadre d'un développement durable, respectueux de notre humanité et de l'environnement dans lequel nous vivons.
Ce monde capitaliste peut être cette société du futur s'il s'inscrit dans cette dynamique.

Et la seule façon d'y accéder est la transformation de la conscience humaine, aller au-delà des ambitions individuelles pour le bien collectif.

Je finirais par une magnifique citation de Rifkin qui représente pour moi l'essence même de l'humanité :

« Quand nous éprouvons, vous et moi, de l'empathie pour un autre – qu'il s'agisse d'un humain ou de tout autre être vivant -, elle a la senteur de la mort finale qui l'attend et de la célébration de sa vie tant qu'elle existe. Quand je ressens ses joies, ses peines, ses espoirs et ses peurs, tout me rappelle constamment la précarité de nos vies. Avoir de l'empathie pour un autre, c'est reconnaître qu'il a une seule et unique vie, comme moi – comprendre que chacun de ses instants, comme les miens, sont irréversibles, qu'ils ne se répéteront pas, et que la vie est fragile, imparfaite et éprouvante, qu'il s'agisse du parcours d'un humain dans la civilisation ou d'un cerf dans les bois. Quand j'ai de l'empathie, je ressens la fragilité et la fugacité de l'existence d'un autre. Avoir de l'empathie, c'est soutenir l'autre pour qu'il s'épanouisse et vive pleinement son bref destin. La compassion est notre façon de célébrer mutuellement notre existence, de reconnaître ce qui nous lie, nous qui sommes compagnons de voyage sur cette Terre. » - Jeremy Rifkin, « La nouvelle société du coût marginal zéro ».



-- Agnès Vugier