mardi 1 août 2023

Quelles sont les clés pour une organisation alignée, performante et résiliente ?


J’ai eu la chance de travailler avec des entreprises multiples (grandes entreprises, ESN, agences numériques, startups, scaleups,...), avec des organisations, des stratégies et des plans d’exécution diversifiés. 
Avec du recul, la question que je pose d'une manière générale aujourd’hui est : quelles sont les clés pour une organisation alignée, efficiente et résiliente ? Mon point de vue dans le billet ci-dessous. 
[Ajouté le 07/08/23] Cela fait longtemps que je voulais écrire sur le sujet, après avoir visionné une ancienne conférence de Yves Morieux au sujet de "Smart Simplicity". Même si je ne suis pas complètement alignée avec tous ses propos, je vous la recommande car très intéressante et cela permet de s'enrichir d'autres points de vues. 

Vision et objectifs : 

Le mot qui revient très régulièrement pour assurer l’alignement stratégique dans une entreprise est la « Vision ». Partager la vision, des objectifs communs et les valeurs de l’organisation. Voire la co-construire ou faire participer les collaborateurs à la définition des actions à mettre en œuvre afin d'assurer l’accompagnement au changement et renforcer l’adhésion. 
Certes, c’est important voire nécessaire mais non suffisant. Dans un monde VUCA en perpétuel changement, il me semble que cette vision ne peut pas être figée et doit pouvoir s’adapter aux changements de notre écosystème. Kodak n’a pas su changer de vision et pivoter vers la photographie numérique avec les conséquences que l’on connaît. C’est pourquoi, cette vision ne doit pas être statique et rigide. Elle doit pouvoir laisser place à l’écoute de nouveaux points de vue et de nouvelles idées (innovantes) provenant de tous les niveaux de l’organisation et de tous les horizons, en particulier de nos clients. 
D’ailleurs, je préfère la notion de raison d’être qui appelle à agir à l’instar de celle de Saint-Gobain ("Making the world a better home") ou bien cette mission de rassembler / rapprocher / réunir de Bouygues Telecom ("On est fait pour être ensemble"). C’est assez puissant. Car elle est simple à retenir et à comprendre. Elle est intemporelle. Comme un cri de ralliement, un scand avant un match sportif, elle transcende l'union et la force d'une équipe. Elle fédère car chacun peut s’y retrouver facilement. Tout en ouvrant des possibilités infinies et différentes façons d’y accéder. Elle donne une ligne directrice tout en laissant le champ libre aux collaborateurs et partenaires de définir des actions adaptées à leurs contextes et à ceux de leurs clients de proximité.
[Ajouté le 07/08/23] Les objectifs sont ensuite fixés en alignement avec cette vision. A l'instar de Google, certaines entreprises ont également adopté la méthode OKR (Objectives and Key Results) en laissant l'autonomie aux équipes de définir leurs propres objectifs et résultats clés alignés avec la vision et les objectifs de l'entreprise. Pour pouvoir prendre en compte les changements de notre écosystème, ces OKR sont revus régulièrement (en général tous les trimestres, chaque entreprise pouvant adapter cette fréquence en fonction de son contexte). Je pense qu'il faut également s'assurer que les objectifs fixés par les différentes équipes soient cohérents et compatibles entre eux pour assurer l'alignement global.

Cadre ou autonomie, organisation centralisée ou décentralisée ? 

Certaines entreprises choisissent de s’orienter vers une organisation centralisée et d’autres vers une organisation décentralisée. Beaucoup les alternent au gré des changements de management. 
J’ai toujours pensé que le Système d’Information était à l’image de l’entreprise. Décentralisé tirant parfois vers le syndrome du "plat de spaghettis" du fait d’une organisation décentralisée historique, ou monolithique du fait d’une centralisation puis souhaité modulaire avec une couche de gouvernance pour une mise en cohérence globale. 
Je pense que ces deux modes ont leurs avantages et inconvénients. Selon moi, une organisation centralisée permet d’apprendre à se connaître, de comprendre le travail des uns et des autres, créer du liant et un cadre de collaboration entre les différentes entités et directions, capitaliser sur les meilleures façons de faire et les retours d'expériences de chacun et parfois de rationaliser. L’organisation décentralisée permet d'être plus agile et de responsabiliser, de laisser l’autonomie aux sachants de décider en fonction de leurs expertises et de leurs connaissances de leurs clients et de leurs localités.
Je pense que le choix d’un mode ou d’un autre dépend de la situation d’une entreprise à une période donnée et peut évoluer avec ses besoins au fil du temps. Une entreprise qui regroupe différentes entités pourrait avoir besoin de créer un cadre de collaboration commun, d'apprendre à se connaître et de renforcer les liens pour créer de de nouvelles synergies et de nouvelles opportunités. Un groupe déjà bien établi avec une culture et un cadre commun existant aura besoin de donner plus d’autonomie aux localités pour gagner en agilité et en efficience. 
Je pense que la vérité se trouve au croisement des deux mondes en trouvant un équilibre intelligent entre l’empowerment des sachants et localités pour plus d’agilité tout en cultivant un cadre de collaboration commun quel que soit le nom qu’on lui donne (vision, raison d'être, mission, objectifs communs, OKR, intérêt collectif, coopération, cohésion, culture, valeurs, normes et standards, etc.). 
[Ajouté le 07/08/23] Ce mélange subtil permet d'éviter les deux extrêmes : l'effet "plat de spaghettis" à savoir une organisation désordonnée dont il est difficile de gérer l'intéropérabilité ou à l'inverse une organisation trop rigide avec des processus de prise de décision trop complexes et trop longs. Je crois aussi que la responsabilisation des équipes nécessitent d'être accompagnée afin de s'assurer que les équipes aient bien toutes les compétences et tous les moyens de prendre les décisions et les actions en toute autonomie.

Rôles, responsabilités et processus : 

Pour beaucoup, les clés de la réussite résident dans la clarification des rôles, responsabilités et processus. Les équipes remontent très fréquemment des dysfonctionnements organisationnels liés à un manque de clarté des rôles et responsabilités et un manque de processus. Et de nombreuses méthodologies et frameworks classiques ou agiles précisent dans leurs cadres des rôles, responsabilités et processus. Je pense que c’est effectivement important de savoir qui fait quoi afin de ne pas s’attendre mutuellement, ne pas se marcher sur les pieds ou  pour des questions d’adéquation des rôles et compétences. Elle permet de définir un porteur, un périmètre d’action et des objectifs clairs. Elle permet de responsabiliser sur un périmètre bien défini. 
Mais je pense que se restreindre uniquement à cet axe peut être limitant et avoir un effet contre-productif inverse. Accumuler processus sur processus sans jamais refondre ou simplifier peut apporter de plus en plus de complexité et prolonger les délais d’exécution. Se limiter strictement aux rôles, responsabilités et périmètres définis peut apporter de la rigidité dans l’organisation. 

Engagement, collaboration, intérêt collectif et adaptabilité : 

Au-delà de la vision, du cadre, des rôles et responsabilités ou des processus, ce qui me semble essentiel c’est de renforcer l’engagement, l’esprit de collaboration, l’intérêt collectif et la posture d'amélioration continue.
L’engagement, c’est ce qui fera qu’un collaborateur s’investira au-delà de son rôle et du périmètre d’action défini, au-delà de son travail quotidien. C’est donner la possibilité aux collaborateurs de combler les manquements entre les rôles / responsabilités / processus définis et les situations réelles.
L’esprit de collaboration, c’est de comprendre et d’intégrer le travail et les contraintes des uns et des autres. C’est ce qui apportera de la fluidité dans les relations et les actions et réduira les délais. 
L’intérêt collectif, c’est arrêter de travailler chacun dans son coin et chacun pour soi, c'est se soucier et se coordonner avec les autres, mettre en commun les ressources pour un profit global maximal, privilégier l’intérêt de l’organisation. D'ailleurs, l'intérêt collectif peut aussi amener à remettre en question une vision que l'on estime obsolète et proposer de nouvelles idées qui nous semblent plus avantageuses pour l'entreprise.
L'adaptabilité, c'est la capacité de s'adapter aux contextes changeants dans notre monde VUCA. C'est épouser une démarche d'amélioration continue et savoir laisser la place aux innovations, nouvelles idées et nouvelles façons de faire. Mais pour cela, c'est aussi accepter le droit d'essayer, de tester et dans une certaine mesure le droit à l'erreur dans une démarche de découverte et test & learn. 
[Ajouté le 07/08/23] C'est ce qui fait que l'organisation sera résiliente car les équipes seront capables d'adapter l'organisation en fonction des changements et au gré des problèmes et des aléas qu'elles rencontreront.Selon moi, Decathlon en est un modèle. Tout d'abord en créant de nombreux produits de leurs marques avec un bon rapport qualité prix, en faisant participer leurs collaborateurs dans la conception des produits. Pourtant, le 07/08/23, ils ont communiqué sur un changement de stratégie en précisant qu'ils souhaitaient réduire drastiquement le nombre des marques vendues dans leurs boutiques. Malgré leurs bon résultats, ils ont donc lancé un processus de rationalisation car leur portefuille était devenu trop important avec des processus trop lourds. L'objectif est aussi de simplifier la lisibilité et la compréhension de leurs offres, d'aller toujours vers une entreprise durable, plus rentable, plus digitale et plus environnementale.

Selon moi, créer un environnement propice au développement de cet engagement, de cet esprit de collaboration, d’intérêt collectif et de posture d'amélioration continue est le véritable challenge que doit relever les entreprises pour gagner en alignement, agilité, performance et résilience. 
[Ajouté le 07/08/23] En fait, je pense que cet engagement, cet état d'esprit de collaboration, d'intérêt collectif et de posture d'amélioration continue sont déjà présents chez certaines personnes en fonction de leurs valeurs, de leurs besoins, de leurs intérêts et de leurs expériences vécues. C'est aux entreprises de créer un espace de confiance qui permettra de les infuser, de les développer davantage et de les préserver.
Bien sûr, mon point est vue est alimenté par mes rencontres et mes expériences passées et j'ai surtout hâte de découvrir et de mettre en musique de nouvelles façons de faire.


 -- Agnès Vugier

dimanche 9 août 2020

Why are mindset and values important in Agile transformation?

 


PART 1: Why are mindset and values important in Agile transformation?

Many people ask me about Agile transformation.

To introduce this topic, as first part, I propose you a quick synthesis of:

- What does being agile mean?
- Why do main companies want to adopt Agile?
- Why are Agile mindset and values important to Agile transformation?

My second article about frameworks and systemic approach in Agile transformation will come soon. Stay tuned!


What does being agile mean?
For starters, a reminder of what being agile means:
- To be able to adapt to change.
- To put the users at the center of what we do and focus on users' problems to be solved.
- To foster collaboration and self-organization.
- To deliver earlier and regularly valuable and working increments of product.
- To maximise the value delivered to the users.
- To collect users' feedback regularly and adjust depending on.
- To reflect frequently and improve continuously.
- And so on.

Why do main companies want to adopt Agile?
It can serve multiple purposes:
- To be more resilient in order to survive particularly in time of crisis.
- To adapt to customers/users behavior change.
- To satisfy customers/users through early and continuous delivery of valuable and working products.
- To continuously improve customers/users satisfaction by being open to feedback and adjust depending on.
- To innovate in order to retain and to catch new customers/users.
- To be time-to-market and to remain competitive.
- To gain agility in ideation, decision and execution.
- To improve performance.
- And so on.

Why are Agile mindset and values important?
When we talk about Agile, we first talk about Agile mindset and Agile values. Because it's a way to focus on the prerequisites and establish better environment conditions necessary to implement Agile according to many years of experience. It's not just fancies of a group of people.

Collaboration: If you have already managed projects or products you must know how silos or rigid contract relationships or lack of collaboration can be negative and blockers for a project or a product implementation.

Collaboration with users: According to the Standish Group study, 45% of software features are never used because they do not match with users' expectations and needs. M. Pepy, ex president of SNCF company, explained that only 30% or 40% of digital applications are really used.

So collaborating very closely with users allows us to ensure we respond to users' problems and to avoid this waste of time and money for companies.

Trust & confidence relationship and transparency: Are you familiar with the watermelon effect? Watermelon is green on the outside and red on the inside. This symbol is usually used for relationships between companies and their outsourcing partners. But it also happens when team members are afraid to escalate problems on the project and instead show green KPI.

In this case, you have to understand why it happens. 
Transparency is necessary to have real status, to have a visibility of all impediments to be solved in order to manage correctly your activities. And to have transparency you need to create a relationship of trust and confidence. And of course, visual management can help.

Individuals and interactions: Because building products around motivated and competent people works much better.

Self-organization: In order to simplify and bring agility in the processes of decision and execution. It is the strategy that some corporates like Accor have decided to adopt to gain agility following covid crisis impacts. 
Indeed, a lot of companies have understood that too many levels of hierarchy and decision making avoid them to have agility in decision and execution. It was particularly true during this covid crisis. The goal is to foster local decisions and actions to gain this agility. How? By helping local teams, that do and know, to self-organize.

- Deliver earlier and regularly working software: In order to satisfy our users. It allows us to ensure what we deliver matches with their expectations, collect their feedback and adjust early and frequently.

Change adaptation mindset: The current crisis shows us that it is not possible to follow a fixed and long term plan in this context of uncertainty and unpredictability. We need to adapt to change, to adopt experimentation mindset, fail and learn and adjust fast, be capable of adjusting depending on contexts and customers/users behavior changes, and so on.

- Reflect and encourage discussions regularly on what went well, what went wrong, what could be improved are the prerequisites for continuous improvement.

In conclusion, we have to focus and work first on mindset and values as prerequisites to establish better conditions to Agile transformation. We have to push the organization to question and make them understand WHY these mindset and values are important. We have to build our Agile transformation around these mindset and values before defining the way we will do it.

There are multiple Agile practices, frameworks and methods. According to me, all are relevant and complementary. As I said to my teams, we have to take them like a set of "tools" that we can use depending on your context and your needs.

Does it mean that we have just to strictly follow these frameworks to succeed in Agile transformation? I propose you to address this matter in my next article and see why a systemic approach is necessary particularly for Agile transformation in big companies.

-- Agnès Vugier

jeudi 30 juillet 2020

How to make your model more resilient and be capable of managing in time of crisis?




How to make your model more resilient and be capable of managing in time of crisis? That's the question I will humbly try to address in this article in this period of uncertainty and unpredictability.

This covid crisis has impacted a lot of people and companies. Unfortunately, a lot of them have lost their jobs and have been constrained to fire and stop their activities.

And on the other side, some companies have succeeded in continuing and even developing their businesses.

Below is my analysis of the characteristics of companies that have shown more resilient business models and have been able to manage and lead in this time of crisis.

- Customer-centric: They put the customers at the center of what they do and listen and focus on users' big problems to solve.
Take Amazon: simple and efficient services, focus on the major problem of people nowadays ie. the lack of time, the need to have things accessible very easily, very quickly, by delivering and repaying very easily and quickly for instance. 
That also means to take into account users' feedback loops because the best and the cheapest ambassadors and marketing strategy are still satisfied customers. 
See Amazon's popularity statistics: https://www.oberlo.com/blog/amazon-statistics  

- Data-driven: In order to know their customers, personalize customer experience and adjust their offers, they need metrics and insights and to be data-driven.

- They avoid dependencies by diversifying their activities and customer segments as possible: no single type of activity, no single channel, no single stuff. And they can manage their main activities by their own means. Once again, look at the Amazon model. 
For instance, Airbnb, that was considered as a disruptive collaborative platform, is now in difficulties. Their main activity is only based on vacation rental online that is fully blocked by lockdown and covid crisis.
Furthermore, a lot of clothing brands have to stop their activities because they concentrated mainly their efforts on physical stores and haven't invested enough on multi-channels and particularly on customer experience online. 
In the case of european neo-banks and fintechs in difficulties right now, they focus on a particular segment of customers and base their model on a few types of revenues related to in-store payments. Refer to article of Stéphane Houin (in french): https://www.usine-digitale.fr/article/tribune-quand-le-covid-19-revele-les-faiblesses-de-la-fintech-europeenne.N987344 

- They build an ecosystem of multiple partners. It is a way to diversify their products and services, acquire new users and experiment quickly. For example, Amazon has more than 2.5 millions of sellers on its marketplace. And Zhong An, the asian insurtech with 500 millions of customers and 8 billions of contracts, has more than 300 partners in addition to its own activities.
To know more about Zhong An, I recommend you the well-done podcast of Frédéric Panchaud (in french): https://www.podcastics.com/podcast/episode/story-un-assureur-inconnu-avec-500-millions-de-clients-32192/ 

- They cultivate an experimentation mindset: be capable to test quickly a new idea/product/service and decide quickly to launch it or to stop it. 
For example, Zhong An can test a new product in 5 weeks.

- They listen to opportunities and are ready to act when they appear like Microsoft Teams, Zoom and Klaxoon with their digital and collaborative platforms that have caught opportunities due to lockdown and necessity to work remotely.

- They continue to innovate and create new products and services depending on contexts and opportunities like BlaBlaCar and its new micro mobility offer BlaBlaRide: https://polandin.com/48403125/blablacar-to-offer-ebicycles-escooters-in-poland  
Saint-Gobain continues to invest in Research & Development of Innovative Materials in order to support sustainable development and energy transition policy. If you have time, here the link to very interesting podcasts about this topic: https://www.saint-gobain.com/en/hidden-power-materials-podcasts  

- They are capable of pivoting ie. that their organizations are able to adapt and to change quickly, with auto-organized teams and local decisions of people who do so know. 
Facing covid crisis, a lot of companies have pivoted to make masks with what they already have on hand like Michelin or Lego: https://www.geekwire.com/2020/face-mask-making-efforts-covid-19-crisis-reveal-really/  
Another example, Saint-Gobain has launched "Glass Loft Protection" product, a health protection glass in order to help companies to ensure their customers and employees health protection: https://www.saint-gobain.com/en/transparent-reception

- They start to do from their current situation and learn to do with what they have because we don't have access to unlimited budget. 
It corresponds to the first Effectuation principle. Indeed, the five principles of Effectuation are:
- Start with your means.
- Act in terms with affordable loss.
- Create partnerships and co-create with different stakeholders.
- Take advantage of surprises.
- Create your new world in order to control it and not just cope with it.

Updated the 31th of July 2020:
To illustrate, I choose the french startup Germinal for whom I have a crush. They have taken the challenge to change their business model from agency to product subscription model.
Despite VC's proposal to launch fund raising, they decided to start with their own means and define their acceptable limits. One month later, their first subscriptions allow self-financing! Wish them that trend continues and to grow! See the post of Grégoire Gambatto (in french): https://www.linkedin.com/posts/gregoiregambatto_il-y-a-46-jours-nous-lancions-notre-produit-activity-6694887686160887808-RN4_

Updated the 4th of August 2020:
You can innovate and do differently with simple things: In restricted movement context during covid crisis, Saint-Gobain teams ensure virtual plants visits with simple GoPro and smartphone. See article (in french): https://www.saint-gobain.com/fr/nouvelles-visites-virtuelles-de-nos-usines

- They propose services simple, affordable, more inclusive, accessible to all like Amazon, Zhong An insurance contract model in Asia or mobile-money and mobile-banking in Africa that have literally exploded over the last few years.
Below interesting articles on mobile-money and mobile-banking in Africa: 
 
You also find this approach in Frugal Innovation that consists of:
- Doing better with less.
- Transforming adversity into opportunity.
- Making your solution "all-inclusive" ie. accessible to all.
I recommend you the excellent video of Navi Radjou to discover great examples of Frugal Innovation: https://www.youtube.com/watch?v=Dj2vvxisoKI 

Effectuation principles and Frugal Innovation approach have existed for many years and I find them even more relevant during this period of crisis.

- They make simple processes and automate as much as they can. For example, Zhong An has automated more than 95% of its processes. Again, refer to Frédéric Panchaud's podcast. 
Amazon has the same automation strategy to increase efficiency and to reduce costs. This kind of automation strategy includes also some drawbacks but I will not debate on this topic there: https://medium.com/swlh/what-amazon-doesnt-want-you-to-know-about-its-automation-strategy-9046dd9289aa
These companies that succeed are Tech companies that invest in new technologies (RPA, BPM, IA, Blockchain, Cloud, low and no code platforms and so on). Those who invested in digital before the covid crisis have coped better with this crisis because they are more prepared to work remotely and continue to deliver services and value to their customers.
By experience, "Digital Transformation" and "Agile Transformation" take a lot of time. I don't believe in big bang strategy but more in iterative, incremental and adaptative implementation step by step. Even in Agile adoption, we have to apply Agile approaches.
Moreover, even if I'm questioning myself, I will not handle here the compatibility of digital and substainable development.

- They ensure recurring revenues (through licensing, subscription model, maintenance contract and so on). 
Telecom companies ensure recurring revenues based on their customers' subscription. 
A large part of Google's revenue comes from its proprietary advertising services and it also makes money with its Cloud platform: https://www.investopedia.com/articles/investing/020515/business-google.asp
When you have no recurring revenues and you only sell time like some services companies, you totally depend on other companies' purchase orders that are uncertain during times of crisis. For example, read the excellent testimony of Maxime Topolov: https://www.linkedin.com/pulse/digital-agencies-change-your-model-die-maxime-topolov  

To conclude, according to me, there is not only one fixed model but a multifaceted model. Whether you are an entrepreneur or a big company, you have to: be customer-centric, listen and know your customers, propose all-inclusive products and services for a larger number of people, be able to adapt to changes and to pivot if necessary, continue to innovate and diversify your activities in order to avoid dependencies. As a big company you have to keep an entrepreneurial mindset with innovation, experimentation mindset and agile execution. As an entrepreneur, you have to learn of big companies on structuring your activities, industrialization in order to scale, and managing your profitability. And probably, we will face this crisis with collaboration, partnership, mutual support and solidarity.

-- Agnès Vugier


lundi 9 avril 2018

Intelligence Artificielle : point de vue d'une petite française




Intelligence Artificielle : point de vue d'une petite française...

(Durée de lecture : ~15 min.)


A peine sorti, le Rapport Villani sur l'Intelligence Artificielle a fait l'objet de nombreuses critiques et des articles pointant du doigt ses lacunes. Cependant, peu de ces articles fournissent une analyse systémique et proposent d'actions concrètes.

Malgré tout, je pense que ce rapport est un pas en avant et va dans le bon sens. Et il est plus intéressant de prendre ce plan et d'essayer de l'améliorer en continu avec des propositions constructives et pragmatiques.

Je me sens complètement concernée par l'IA et par le débat autour de l'éthique. C'est une technologie qui va complètement bouleverser nos modes de vie et à laquelle il faut se préparer.

Dans la suite de ce billet, je vous propose d'élargir l'analyse et de revenir sur certains points qui me semblent importants :

- Réintégrer dans l'analyse les dimensions politique et environnementale.
- Ne pas se focaliser uniquement sur les US et la Chine et ne pas négliger le potentiel de situation que peut nous offrir l'Europe et l'Afrique.
- Faire un focus sur le rôle des grands groupes français, et leurs partenariats avec nos startups.
- Arrêter de suivre, et construire notre propre modèle mental.
- Expliquer les raisons pour lesquelles il est important d'intégrer l'éthique dès la conception d'une IA et la nécessité de redonner confiance aux utilisateurs. #EthicbyDesign
- Revaloriser la voix du client qui n'a été mentionnée dans aucun des articles sur le Rapport Villani que j'ai lus.


Moins de visions, plus d'actions concrètes et immédiates :

Prenons l'exemple de l'article d'Olivier Ezratty (consultant et auteur) « Ce que révèle le Rapport Villani » : il fournit une analyse très intéressante et de nombreux constats justes. Je suis d'accord avec lui sur le fait que la priorité n'est pas d'investir davantage dans des instituts de recherche mais de favoriser l'innovation pour trouver des nouveaux services créateurs de valeurs.

Cependant, son article offre finalement très peu de propositions opérationnelles et d'actions immédiates. Il réaffirme que nous devons créer un leader mondial. Très bien, mais comment ?
D'après lui : « Comment attaquer le marché US est le principal problème à traiter. L'Asie ensuite. », oui mais comment attaquer les marchés américains et chinois alors que les US et la Chine jouent à fond la carte du protectionnisme en favorisant des entreprises nationales et que même les GAFA ont échoué à pénétrer le marché chinois ?Conférer les articles suivants :


Car en plus d'être un problème business, d'innovation, d'écosystème technologique, il s'agit aussi d'un problème politique.
Alors que faut-il faire ? Les forcer à changer leur politique protectionniste avec le risque de provoquer l'effet inverse escompté ? Et cela risque de prendre beaucoup de temps. Opérer la même stratégie qu'eux quitte à nous isoler ? Ou alors agir avec ce que nous avons sous la main dès maintenant et lancer des actions immédiates en travaillant progressivement à débloquer ces points ?

Agissons avec ce que nous avons sous la main et tirons parti des circonstances :

Rappelons nous que certains GAFA ont commencé dans un garage ou une chambre d'étudiant avec très peu de capital et un ciblage local. Comme l'explique Philippe Silberzahn (Professeur d'entrepreneuriat, de stratégie et d'innovation à EMLYON Business School) dans sa présentation du « leadership effectual », un entrepreneur se lance sans se dire qu'il va attaquer le marché mondial, agit avec ce qu'il a sous la main et tire parti des circonstances.

Alors commençons avec ce que nous avons, en premier lieu avec notre marché « franco-français ». Essayons déjà de capter nos 68 millions d'utilisateurs potentiels pour expérimenter nos produits et services innovants, les éprouver et essayer d'en tirer des modèles disruptifs. Il faut arrêter de cracher dans la soupe, 68 millions de consommateurs, ce n'est pas rien et de nombreuses entreprises en rêveraient !

Avant de devenir un leader mondial, créons déjà des leaders nationaux pour faire contrepoids face aux GAFA sur notre propre territoire comme le mentionne si bien Nicolas Colin (entrepreneur français) dans son article « Emmanuel Macron’s artificial intelligence pitch risks falling short. ».

L'Afrique un potentiel immense, renforçons notre partenariat :

Pourquoi se fixer des plans stratégiques focalisés sur les US et l'Asie comme le suggère Olivier Ezratty? Et pourquoi l'Europe et l'Afrique ne pourraient-ils pas s'avérer de véritables opportunités ? L'Union Européenne n'a-t-elle pas pour objectif de favoriser les échanges ? N'avons-nous pas une relation privilégiée avec l'Afrique ? L'Europe est le premier partenaire commercial de l'Afrique. Les besoins en Afrique autour des grandes fonctions régaliennes que sont la santé, l'environnement, l'éducation et le transport sont immenses et des modèles différents émergent. Et nous avons les mêmes préoccupations. Alors pourquoi ne pas tirer davantage parti de ces circonstances, utiliser nos compétences sur l'IA pour améliorer les conditions de vie en Afrique voire même apprendre de leurs nouveaux modèles?

Gilles Babinet, Digital Champion et co-fondateur d'Africa 4 tech nous explique très bien pourquoi il faut accélérer les partenariats de nos entreprises avec les entreprises africaines et qu'une meilleure coordination des états doit permettre d'optimiser. Conférer les articles suivants :


Attaquons tous les marchés et voyons où les circonstances et les opportunités nous emmènent.

Mobilisons nos grands groupes français et utilisons les comme des ponts vers l'international :

Tous les plans d'investissements ne peuvent pas venir de l'Etat. Comme le précise Olivier Ezratty en parlant du plan de financement d'1,5 Mds pour l'IA annoncé par le gouvernement français : « Ces montants annoncés paraissent ridicules quand on les met en regard des $15B annoncés par Alibaba, mais il faudrait les comparer aux investissements publics d’autres pays européens. Dans ce cadre, les annonces d’Emmanuel Macron sont de bon niveau... On ne peut pas demander à l’Etat d’investir autant que des mastodontes privés. Nous nous n’en avons chez nous ! Et au passage, les $15B d’Alibaba comprennent surtout une grosse réserve pour des acquisitions. Ils ne prévoient de recruter que 100 chercheurs en IA, ce qui est modeste au regard de leur nombre dans le secteur public dans tous les pays occidentaux. Évitons donc de tomber dans le piège de la sidération face à ces annonces toujours ampoulées qui mélangent des choux (M&A, développement produits) et des carottes (recherche fondamentale) sur une longue période ! ».

Même si nous n'avons pas de mastodontes comme Alibaba (du moins pas encore), n'oublions pas que nous avons un très beau panel de grandes entreprises françaises privées. Je pense que nous devons les convaincre d'investir davantage sur l'IA et les utiliser comme des ponts vers l'international.

Parmi tous les plus grands groupes privés français tels que Total, L'Oréal, LVMH et j'en passe, comment ont-ils investi pour développer l'IA en France ? Que font-ils alors que des sociétés comme Microsoft accélère sur l'IA en France à travers un partenariat avec l'Inria, le programme AI Factory à Station F qui accueille plusieurs startups spécialisées sur l'IA et envisage d'investir 30 millions de dollars sur trois ans en France pour sensibiliser, former et créer de nouvelles opportunités dans le numérique en France? Que font-ils alors que Samsung envisage de créer un centre de recherche dédié à l'IA en France ?

L'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a annoncé la création d'un fonds d'investissement de 1 Mds de dollars sur 5 ans pour l'innovation. Il a réalisé un premier investissement dans une startup américaine. Espérons qu'une partie permettra de développer l'IA en France (réf. article : L’alliance Renault-Nissan va investir 1 milliard de dollars dans des startups d’ici 2022.).
L'Oréal vient de racheter une société canadienne ModiFace spécialisée dans la réalité augmentée et l'intelligence artificielle (réf. article : L'Oréal s'offre une entreprise de la Tech.).

Néanmoins, les investissements restent hétérogènes puisque d'autres grands groupes comme LVMH préfèrent nouer des partenariats plutôt que d'investir dans des startups ou de les incuber.

Ces mêmes premiers grands groupes français sont également très bien implantés à l'international et peuvent être des ponts efficaces pour justement nous développer à l'international. Pa exemple, L'Oréal est très largement implanté dans 4 continents. RATP Dev opère et maintient des réseaux de transport sur 4 continents. Orange continue sa croissance en Afrique. Ces groupes pourraient exporter nos produits par le biais des services qu'ils offrent à l'international.

Alors pourquoi ces initiatives ne sont-elles pas reprises par tous nos grands groupes français ? Leurs investissements en France dans ce domaine restent insuffisants. Il faut les convaincre de participer davantage à développer le leadership français dans le domaine de l'IA.

Favorisons les partenariats entre grandes entreprises et startups françaises :

Les partenariats entre grandes entreprises françaises et startups sont également hétérogènes en France. Un partenariat est plus que de juxtaposer son label sur un produit. Nous devons développer les partenariats entre ces acteurs de l'écosystème :

- Donner la chance aux solutions proposées par nos startups face à de grands éditeurs étrangers.
- Faciliter l'intégration des solutions de ces startups dans l'écosystème digital de l'entreprise en préparant son organisation entière à l'accueillir. De très nombreux ouvrages détaillent ces points liés à la transformation digitale des entreprises, la transformation agile, l'intrapreneuriat, l'open data, l'exposition sécurisée des données à l'extérieur. Donc, je ne m'y attarderai pas plus que cela.
- Ouvrir notre patrimoine de données tout en respectant les données personnelles de nos clients, leurs consentements et la sécurité de l'entreprise.
- Profiter de ces partenariats pour développer les compétences sur l'IA en interne.

Rachat des startups : fin d'un modèle ? => Créer notre modèle mental.

Un point sur lequel tous nos experts convergent est la nécessité de favoriser l'innovation et développer les idées disruptives au travers de nos entrepreneurs.

Cependant, comme le mentionne cet article « Start-up : la fin du modèle américain », la majorité des startups américaines qui fonctionnent comme Whatsapp, Waze ou Deepmind se font racheter par les GAFA. A l'instar de Recast.ai, startup française spécialisée dans les bots, qui a été rachetée par SAP en janvier 2018. SAP a intégré la solution Recast.ai dans son offre SAP Leonardo et la propose désormais à ses clients. Ces startups choisissent, de plein gré ou non, de se faire racheter plutôt que de croître. Alors comment faire pour que ces startups à potentiel veuillent et puissent continuer à se développer et contribuer au leadership français ?

J'irai plus loin dans ma réflexion : comme le dit Philippe Silberzahn, l'innovation ne se planifie pas et peut prendre du temps. Les GAFAM et les BATX ont pris du temps et ont essuyé beaucoup d'échecs avant de devenir ce qu'ils sont. Dans cette course, il est difficile de passer leader en continuant à suivre les modèles des autres. Il est peut-être temps de créer notre propre modèle mental. Cela nous amène aux chapitres suivants.

« Accepter l'idée qu'une collaboration entre des communautés diverses puisse avoir des résultats extraordinaires » (Gilles Babinet) :

Comme l'explique très bien l'article « Intelligence artificielle : être suiveur ou devenir leader ? » de Gilles Babinet, il est nécessaire de booster le partage et la collaboration entre des communautés diverses (chercheurs et entrepreneurs dans le domaine de l'IA mais également grandes entreprises, institutions publiques, utilisateurs finaux, etc.) au travers de plateformes collaboratives comme GitHub ou TensorFlow pour favoriser la sérendipité et l'innovation.

Je pense que ces plateformes collaboratives phygitales (points de rencontres physiques et digitaux) doivent également permettre de démocratiser l'IA et de l'aborder sous les différents angles :

- Business ;
- Innovation, nouveaux modèles, besoins, usages, expériences clients, etc ;
- Recherche ;
- Formation ;
- Partenariats ;
- Politique ;
- Ethique ;
- Développement durable ;
- Bonnes pratiques ;
- Etc.

Et j'irai même plus loin, ces plateformes peuvent avoir un vrai rôle d'intermédiation pour construire des vraies équipes organisées et autonomes composées d'acteurs de communautés diverses (chercheur , entrepreneur , groupe, investisseur).

Co-designer les « next big things» :

Une des pistes de réflexion soulevée par Olivier Ezratty est de « Formuler des rêves et des ambitions de domaines scientifiques à résoudre et de besoins concrets à traiter grâce à l’IA. Penser aux “next big things”. Identifier des “moonshots”. ».

La création de plateformes collaboratives phygitales pourrait permettre de favoriser les échanges, la collaboration entre diverses communautés afin d'identifier des besoins, des cas d'usage concrets et des nouveaux services innovants à traiter grâce à l'IA.

Selon moi, il faut repenser une certaine transversalité des produits et des services et co-designer les « next big things » à l'intersection de la désirabilité (humain), la faisabilité (technologie), la viabilité (business) et la circularité (environnement) grâce à des équipes auto-organisées d'acteurs de divers horizons permettant de profiter des expertises sur chacun de ces domaines.

#AIForHumanity #EthicbyDesign :

Le positionnement de l'éthique dans le Rapport Villani fait débat. Cf. articles d'Olivier Ezratty sus-mentionné ou le billet « IA et éthique: le contresens navrant de Cédric Villani » de Philippe Silberzahn.

L'IA soulève également d'autres questions éthiques que synthétise bien l'article suivant : Les neuf questions d’éthique majeures soulevées par l’IA. Et je rajouterai une dernière question sur le développement durable et notamment la gouvernance des ressources naturelles limitées et nécessaires à l'expansion technologique.

L'IA est affichée dans le Rapport Villani comme mise au service du bien commun et de la société et pas uniquement un enjeu business.

En tant que citoyenne, je suis en phase avec cette démarche car elle rappelle la raison même du progrès technologique. Je ne suis pas pour l'innovation à tout prix mais pour le progrès technologique qui améliore les conditions de vie, qui respecte notre humanité et notre environnement. Je ne veux pas d'un monde technologique qui déshumanise. Je suis contente de savoir qu'on va me demander mon consentement avant de collecter des informations personnelles me concernant. Je suis contente de pouvoir avoir le droit à l'oubli si je le souhaite. Je serais contente de savoir que mes enfants pourront vivre dans un monde qui protégera leur liberté. Combien de personnes sont morts pour nous donner accès à ces droits? Certes, je pourrais me dire que ce choix n'empêchera peut-être pas les autres pays d'avancer dans une autre voie. Et je peux aussi me dire que j'aurais essayé de faire autrement en alignement avec mes valeurs. Ce n'est pas dire non au progrès ni à l'innovation que de vouloir une technologie qui sert l'homme et non qui l'asservit.

Philippe Silberzahn explique dans son post que nous ne pouvons pas prédire ce qui va se passer et que si nous nous étions mis des réglementations éthiques nous n'aurions pas inventé l'automobile qui tuerait 1 million de personnes dans le monde par an. Tout d'abord, ce n'est pas l'automobile qui tue mais majoritairement la conduite en état d'ivresse, les infractions au code de la route ou l'absence de code justement. Si nous n'avions pas mieux cadré la conduite automobile avec un code, nous aurions probablement plus de morts. Et la réglementation routière en France date de 1804, bien avant la commercialisation de l'automobile. Par ailleurs, l'automobile et l'IA ne sont pas comparables car l'automobile reste sous la responsabilité du conducteur alors que cette responsabilité reste à clarifier concernant l'IA qui tend à devenir autonome.

Philippe Silberzahn prend également l'exemple des dérives dans l'utilisation de l'échographie en Chine suivies d'impacts démographiques pour illustrer que nous ne pouvons pas prédire l'avenir et tous les impacts d'une nouvelle technologie. Certes, nous ne pouvons pas prédire l'avenir. Et peut-être que ce problème s'est produit en Chine par manque de garde-fous et d'encadrement justement. La dérive ne réside pas dans la technologie mais dans la finalité et la manière de l'utiliser.
L'objectif n'est pas de planifier ou de prédire mais de cadrer. C'est ce que permet la réglementation GDPR qui fait préciser la finalité et permet de s'assurer que l'ensemble des traitements sont conformes à cette finalité.

Pour reprendre les propos très pertinents de Pascal Poulhe (consultant innovation et transformation) sur un réseau social : « Le profit est le résultat d'une performance d'exécution d'une mission donnée, focalisée sur « des problèmes » qu'ont les gens et non le préalable. C'est le fameux Why popularisé par S. Sinek… Peut-être que le rappeler et l'ancrer plus fortement dans les formations qui délivrent nos « élites » managériales serait plus utile. ».

Il y a d'ailleurs une intéressante contradiction chez certains experts qui clament que la réglementation GDPR est un frein au développement de l'IA et qui en même temps utilisent le critère PrivacybyDesign comme argument marketing pour vendre leurs applications. Ces mêmes personnes seraient certainement les premiers à s'insurger si leurs données médicales ou leurs messages privés étaient étalés en public. Et qui le souhaite vraiment ? Faut-il attendre qu'il y ait des abus graves comme l'affaire Cambridge Analytica pour réagir ?

N'est-ce pas ce manque de cadrage de la Chine concernant l'environnement qui plonge actuellement des millions de chinois dans la pollution totale les obligeant à circuler avec des masques et qui oblige le gouvernement chinois à prendre des mesures urgentes pour essayer de réparer ? Et ça continue avec l'IA utilisé pour affecter une note sociale aux personnes et interdire certains services en fonction de cette dernière (cf. article : En Chine, les personnes avec une faible "note sociale" ne pourront plus prendre l'avion ou le train).

Regardez Facebook avec l'affaire Cambridge Analytica de siphonnage de données personnelles sans consentement des utilisateurs et de manipulation lors des élections (cf. article : Cambridge Analytica : 87 millions de comptes Facebook concernés.). Suite à cette affaire, Mark Zuckerberg a dû présenter ses excuses, suspendre son projet de collecte des données médicales de patients et va rendre des comptes au Congrès.

Est-ce vraiment ce modèle que nous voulons suivre ? Comme disait Einstein, « La définition de la folie, c'est de refaire toujours la même chose, et d'attendre des résultats différents. ».

Et malgré tout ce remue-ménage :

- Des startups comme Zelros continue de travailler sur la conception d'IA éthique, transparente (qui fournit des recommandations mais explique ses choix à l'utilisateur) et sécurisée (qui respecte la confidentialité des conversations).
- Des entrepreneurs comme eelo construisent des projets sociétaux : « eelo is more than tech, it’s a societal project for Freedom and Democracy. ».
- Des entreprises comme Microsoft annonce un plan de financement en faveur d'une IA éthique et de confiance (cf. annonce : Microsoft France announces $30 million commitment towards the development of ethical and trusted Artificial Intelligence.).
- Des entreprises comme Orange s'engage « pour une #IA responsable, qui permet d'innover au service des clients et des citoyens, tout en protégeant leurs données. ».
- Ce qui montre qu'allier innovation et éthique est possible.

#PrivacybyDesign :

Certes, la mise en conformité aux directives GDPR et ePrivacy nécessitent des charges supplémentaires pour les entreprises et notamment les PME mais elle permet d'éviter ce genre de dérives et est indispensable pour la protection des utilisateurs. Selon Loïc Rivière, DG de Tech in France, « Le RGPD représente plutôt un bon équilibre entre l'indispensable protection des données utilisateurs et les intérêts des entreprises. Il ne devrait pas nuire à l'innovation mais la cadrer, car celle-ci doit désormais être « privacy by design », c'est-à-dire intégrer dès l'origine les principes du RGPD » (cf. "Le RGPD ne va pas aider les PME, ni même les entreprises européennes" (Loïc Rivière, DG Tech in France)).
Il indique également : « Nous pensons que ePrivacy représente un danger car il casse l'équilibre trouvé par le RGPD, auquel il est pour l'instant mal articulé. Nous avons démontré que ces modalités appliquées au "machine to machine" (M2M) allaient bloquer de nombreuses innovations dans le domaine de l'IoT [Internet des objets], comme dans l'agri-tech ou les voitures connectées par exemple. La directive, qui rend possible pour l'internaute de ne pas accepter les cookies de navigation, menace aussi tout l'écosystème de la publicité en ligne, à commencer par les médias. La levée de boucliers des entreprises du numérique est légitime. ».
Au contraire, je pense que ces réglementations permettent d'établir une transparence et de redonner la confiance aux utilisateurs à l'égard des applications numériques et des entreprises.


Vers une approche business gagnante – gagnante :

Selon moi, l'objectif n'est pas d'interdire la collecte de données indispensables aux modèles d'apprentissage artificiel mais de l'accompagner notamment par le consentement du client et de s'orienter vers une approche business gagnante-gagnante où le client pourrait choisir les données qu'il estime être sensible pour lui et qu'il accepte de partager en échange de service à valeurs ajoutées.

Par ailleurs, avec l'explicabilité des algorithmes, j'attends de l'IA qu'elle m'explique ses choix surtout si je dois porter la responsabilité de ses choix. Car avec l'IA vient la question de la responsabilité des choix et des actes réalisés par un agent intelligent surtout s'ils peuvent avoir des répercussions sur des vies humaines comme dans le domaine de la santé.

Et la voix du client dans tout ça ?

Rares sont les articles relatifs au Rapport Villani qui mentionnent la voix du client alors qu'il fait bel et bien parti de l'écosystème. Pourtant, le succès d'un produit dépend de son adoption par les clients.

L'adoption de l'IA par les clients est primordiale pour développer son usage. Comme tout produit, cela passe par la création de services de valeurs pour l'usager, des services efficaces et utiles, une expérience utilisateur agréable, etc. Mais dans le cas d'une IA autonome, d'autres critères rentrent en jeu : la confiance à l'égard de cette IA dans le traitement des données personnelles et dans la compréhension des choix proposées et actions réalisées par cet agent intelligent. Si vous prenez l'exemple d'un assistant personnel intelligent, il sera susceptible d'avoir accès à diverses données privées de son utilisateur et d'organiser sa vie. La base d'une telle relation est la confiance. Et ce n'est pas le cas actuellement. En effet :

Selon une étude d'In Moment, « 75% des Américains ont peur de la personnalisation. ». Et 22 % des consommateurs cherchent à trouver une entreprise concurrente lorsqu'ils ont eu une expérience désagréable avec une marque qui a collecté trop de données personnelles à leur goût.

Selon un autre sondage ComRes pour Global pour ForgeRock, « Seuls 33 % se disent prêts à partager leurs données avec des tiers en échange d’un service personnalisé. Un internaute sur deux ne le souhaite pas. ». Cf. article complet : Données personnelles : des clients ambivalents face aux marques.


Du côté de nos amis anglais, un sondage présente une méfiance de plus d'un quart des utilisateurs concernant la collecte de leurs données personnelles. Cf. article suivant : Consumers do not trust companies with personal data, survey shows.

Cela montre bien que tous les utilisateurs ne sont pas prêts à accepter la collecte abusive de leurs données personnelles ou l'exposition de leurs vies privées sans leurs consentements. D'où la nécessité de tendre vers une approche business gagnante-gagnante.

Je vous propose également de consulter le dernier sondage de PWC : What people value most in their customer experience. Ce sondage indique que les clients valorisent davantage un service efficace, utile et compétent qu'une nouvelle technologie ou un service personnalisé.

Et justement, pour l'instant, l'efficacité des solutions IA ne fait pas l'unanimité comme le montrent les articles suivants :


« On compte 700.000 articles en médecine par an. De plus en plus de publications n'ont pas de valeur, car des équipes publient pour publier, ce qui pollue énormément les résultats. La machine n'est pas capable aujourd'hui de faire la différence entre ce qui ne vaut rien et un article intéressant », analyse Guy Vallancien, chirurgien et auteur de La Médecine sans médecin ? (Gallimard).


« Le temps nécessaire pour obtenir des premiers résultats était plus long qu'attendu, et surtout les équipes métier ont découvert le travail considérable à réaliser en amont pour rassembler le corpus documentaire indispensable au paramétrage de la machine.».

A ces points, s'ajoutent également des difficultés liées à l'intégration de ces solutions dans l'écosystème informatique des entreprises et la crainte persistante d'être remplacés par une machine intelligente et de perdre son poste, comme j'ai pu le constater dans des expérimentations que j'ai menées.

Rétablir la confiance et créer de services efficaces répondant à des vrais « problèmes » clients, qui leur donnent envie de consommer, sont nécessaires pour faire décoller les demandes autour des produits basés sur l'IA. Et sans usages, peu de collecte de données nécessaires à développer l'IA.


En conclusion, l'IA n'est pas la propriété exclusive d'une agence nationale ou européenne en particulier. Elle est l'affaire de tous.
Nous n'avons pas besoin d'attendre que cela soit écrit dans un Rapport Villani ou de le parfaire pour agir dans notre périmètre et avancer avec ce que nous avons sous la main. Et c'est peut-être la somme des initiatives locales coordonnées, et facilitées par l’État, qui feront de la France un leader mondial dans ce domaine.

Si nous ne voulons pas être des suiveurs, arrêtons de vouloir reproduire les modèles américains ou chinois et construisons notre propre modèle mental.
Cela nécessite de repenser une certaine transversalité, de favoriser la collaboration, de créer des équipes auto-organisées de communautés diverses pour co-designer et réaliser les nouveaux services innovants, utiles et efficaces basés sur l'IA.

L'éthique rappelle le « pourquoi » de l'innovation technologique, elle doit favoriser le progrès des conditions de vie des hommes. L'innovation technologique doit nous servir, pas nous asservir. Elle permet de cadrer car l'IA peut être une puissance curative dans la mesure et une puissance destructive dans la démesure.

Tendre vers une approche business gagnante-gagnante permettrait de répondre aux valeurs éthiques des clients, de protéger leurs vies privées, de leur redonner confiance tout en permettant la collecte des données nécessaires aux modèles d'apprentissage artificiel et pourrait devenir un critère différenciateur à terme.

-- Agnès Vugier