dimanche 28 janvier 2018

Think lean and act agile





Think lean and act agile

On restreint souvent l'agile à l'agilité à savoir à la capacité de s'adapter au changement et de réagir rapidement. L'agile n'est pas seulement s'organiser pour pouvoir répondre rapidement et facilement aux changements rapides de notre environnement. L'agile est beaucoup plus que cela. C'est avant tout un changement profond d'état d'esprit :
- Apprendre à accueillir le changement de façon positive.
- Se centrer sur l'utilisateur : satisfaire le client en lui délivrant rapidement et régulièrement des services à grande valeur ajoutée et recueillir ses retours pour ajuster.
- Favoriser la collaboration entre les différents acteurs.
- Motiver et engager les collaborateurs en les responsabilisant, développer leurs compétences, travailler sur la décomposabilité et l'émergence d'équipes auto-organisées.
- Etre capable de se remettre en question, réfléchir sur des améliorations pour devenir plus efficace, expérimenter, réajuster, modifier son organisation et ses comportements continuellement.

Certes, l'esprit agile est surmédiatisé et galvaudé par certaines entreprises mais les vrais principes sont ceux-là. Une fois que nous en avons compris le mindset, nous voyons les ouvertures que l'esprit agile peut créer. Ce n'est pas seulement la finalité qui compte, c'est également tous les changements profonds d'état d'esprit qu'une transformation agile déclenche, les mêmes que nécessite l'innovation : des cultures centrées clients, des postures collaboratives, une efficacité accrue en favorisant l'intelligence collective, l'expérimentation, le recueil de feedbacks court et une démarche inscrite dans l'amélioration continue.

A l'instar d'Amazon et Spotify, certaines entreprises ont réussi à mettre à l'échelle cette agilité via des frameworks comme l'approche Spotify, Scaled Agile Framework ou Large-Scale Scrum.

Cette agilité donne un avantage certain dans un monde hyper compétitif où les clients sont de plus en plus exigeants, de moins en moins fidèles, et volatiles : pouvoir sortir une nouvelle offre tous les 3 mois, pouvoir répliquer suite à la nouvelle offre d'un concurrent ou tout simplement ne pas laisser se distancer en attendant la commercialisation d'un service ou produit disruptif qui peut être très longue. La course entre les différents opérateurs Télécom ces dernières années en est une excellente illustration.

Et elles se heurtent aux mêmes obstacles :

Beaucoup de grandes entreprises inscrivent l'agilité et l'innovation dans leurs valeurs et leurs stratégies mais rares sont celles prêtes à réaliser les profondes transformations que cela nécessite.
En premier lieu, combien de dirigeants sont réellement prêts à confier les rênes de l'entreprise ou de leur direction à leurs collaborateurs et leur conférer autonomie ? La plupart restent dans un mode totalement « command and control », ont du mal à déléguer, contrôlent chaque action, ne laissent aucune place à la discussion et attendent que leurs collaborateurs exécutent leurs idées et leurs directives en toute obéissance. Comme dirait Xavier Huillard, PDG de Vinci : « Dans les organisations trop centralisées, le chef doit être infaillible et cela n'existe pas. La réalité est qu'il n'y a pas de solution miracle sortie de la tête d'un chef unique mais une multitude de solutions trouvées localement et de plus en plus après un processus permanent d'essais et d'erreurs. » (cf. article).

Ces mêmes sociétés établissent des stratégies sur 10 ans allant parfois jusqu'à demander à leurs collaborateurs de travailler sur un plan opérationnel associé comme s'ils étaient capables de prédire tous les changements et les bouleversements et aussi loin. Autant dire que les résultats de cet exercice seront très approximatifs voire faux.

Elles veulent aller vite et sautent des étapes : elles appliquent les méthodes agiles alors que l'esprit agile n'est pas compris. Elles pensent qu'infuser la culture d'innovation consiste à parsemer des cellules d'innovation dans toutes les directions sans formation préalable, sans accompagnement ni méthodologie. Certes, les bonnes idées viennent de façon collective mais tout le monde n'a pas les compétences pour développer une application mobile, du moins en prenant en compte les bonnes règles d'architecture et normes de développement. C'est de cette façon, que l'on se retrouve avec des produits qui auraient pu être à valeur ajoutée pour les utilisateurs mais qui ne sont finalement pas adoptés voire génèrent du mécontentement car mal codés, ne respectant aucune règle d'architecture, rassemblés dans un monolithe illisible, dysfonctionnels et très coûteux à maintenir. Les ressources financières qui auraient pu être utilisées pour plus d'innovation sont finalement allouées à de la maintenance corrective voire du refactoring.

Je dirais même que l'agile est au service de l'innovation. « Innovation without execution is only ideation » : l'innovation n'est qu'idéation tant que le produit n'est pas adopté par les utilisateurs à grande échelle. L'innovation c'est identifier le problème a résoudre, générer de nouvelles idées, prototyper, tester en recueillant les retours des utilisateurs, raffiner le problème et pivoter si nécessaire. Et l'agile assure les cycles de développement d'un produit de qualité par des équipes motivées, compétentes et pluridisciplinaires dans un cadre collaboratif et centré client. Que serait le modèle disruptif de Airbnb ou Uber avec un service exécrable ? Comment Amazon aura-t-il pu proposer ses services innovants « acheter en un click » ou « être livré en 1 jour » s'il n'avait pas une organisation agile derrière pour assurer ? La polémique liée à l'explosion des écrans Galaxy Note montre bien l'importance d'un excellent cycle de développement :« Build the right thing, build it right and build it fast ».

J'irais plus loin, l'agile s'inscrit également dans les cycles d'idéation (par exemple Design Sprint) permettant de valider les idées en très peu de temps et de regrouper des acteurs aux agendas très chargés.

L'agilité consiste aussi à simplifier, automatiser et fiabiliser les activités historiques afin d'augmenter la productivité et l'efficacité opérationnelle, de diminuer le coût du patrimoine historique et de libérer des ressources pour investir davantage dans l'innovation.

De même, certaines briques d'intégration agile comme les API permettent l'exposition des données vers l'extérieur et l'ouverture de façon sécurisée, facile et rapide vers de nouveaux écosystèmes innovants notamment startups qui offrent souvent des services en mode SaaS facilitant ainsi les partenariats avec ces dernières (open innovation).

Comme les services de cloud computing permettent de monter rapidement et à moindre coûts des environnements pour expérimenter les innovations.

En conclusion, je vois l'agile et l'innovation comme les deux faces indissociables d'une même pièce, des alliés redoutables face à ce nouveau monde et indispensables toutes les deux pour la transformation des entreprises.


-- Agnès Vugier